samedi 27 septembre 2008
lundi 22 septembre 2008
dimanche 21 septembre 2008
dimanche 14 septembre 2008
vendredi 12 septembre 2008
jeudi 11 septembre 2008
mercredi 10 septembre 2008
Christophe Colomb, l'énigme de Manoel De Oliveira
Prochainement, je vais aller voir ce film : le dernier sorti de Manuel de Oliveira qui vient d'avoir cent ans.
mardi 12 août 2008
LOUIS JOUVET
Phrase dénichée dans un entretien entre KARL LAGERFELD-LUCHINI dans Telerama.
Ils boursouflent la phrase de leurs intentions personnelles et ils détruisent l'innocence de la réplique
Ils boursouflent la phrase de leurs intentions personnelles et ils détruisent l'innocence de la réplique
vendredi 30 mai 2008
LANCELOT DU LAC par ROBERT BRESSON, 67 mn, 1974
Regarder un film de Bresson, c’est observer chaque fois comme chez un peintre ou un musicien une invariance des thèmes, des thématiques, des personnages, et des rituels, de leurs rituels.
Importance primordiale des rituels chez Bresson.
Mais en même temps, dans ce film, on ne peut que s’émouvoir de sa capacité à convoquer, d’invoquer, scander, répercuter autant les lointains souvenirs d’une culture chrétienne immémoriale qui tombe rarement dans l’écueil de la bigoterie, tout en favorisant l’émergence de quelque émotion violente profonde, qui correspond aux ressenti intime et profond, pour ne pas dire convulsif d’un cinéaste qui sait peindre et montrer la passion.
L’histoire de lancelot du lac et la conquête du Graal.
Une histoire bien connue que tout un chacun porte en soi tout en l’ayant un peu oubliée.
Question de bataille et de conquêtes.
Conquérir son territoire.
Chaque bataille déchaîne sa violence.
D’emblée, ce sont des images qui frappent nos sens autant que les sons effleurent ou cinglent nos oreilles.
C’est une gerbe de sang qui coule bruyamment et à grands flots du tronçon sanguinolent d’un chevalier décapité, ou d’un torse encore engoncé dans sa dérisoire armure qui ne le protège finalement de rien.
Ce sont des promenades où l’on voit galoper dans une forêt des chevaux harnachés.
C’est la mise à sac d’un autel, de sa croix et de son ciboire organisée par une troupe d’officiers félons.
Rarement un film de Bresson n’a tiré sur la corde d’un spectaculaire aussi étrange que menaçant.
Plus tard, une musique martiale composée par Philippe Sarde organise, temporise et annonce le défilé des personnages, leur lutte pour le pouvoir et pour l’amour d’une certaine Guenièvre.
Plus tard, encore, un orage suivi d’une pluie torrentielle s’abat sur le campement des chevaliers, orage qui fait hennir de peur les chevaux qui pressentent son avancée.
Pour mieux appréhender ce film,Il faudrait peut-être porter d’abord l’accent sur les sons, la piste sonore, constituée de bruits d’improbables chevauchées, de ces hennissements nerveux, de bruits d’éperon sonnant contre le cuir des flancs des chevaux, de sonneries étranges scandant des entrées et des sorties de personnages qui ressemblent à s’y méprendre à nos buzzers, et aussi de paroles souvent lourdes de sous-entendu prononcées par des hommes qui bataillent dans leur lourde armure grinçante qui les entrave plus qu’autre chose.
Ensuite, il faudrait porter l’accent sur cette insistance de l’image et du cadre à montrer des corps souvent sans tête, corps enferrés dans leur action répétitive : monter à cheval, éperonner une cible, remonter à cheval, enfoncer l’épée dans son fourreau, s’habiller ou enfiler son armure.
Devant cette insistance, on pense à ce film de Len Lye qui montrait de manière répétitive le montage de carcasses automobiles.
Il faudrait aussi s’intéresser à ces duels à la lance entre deux fractions adverses dont on ne nous montre qu’une succession de lever de drapeau à droite puis à gauche, tantôt une rangée de spectateur, une simili barrière de bois tenue par une femme qui fait office de gardien de l’enceinte comme si un choix avait discriminé un ensemble et avait éludé l’inutile au profit du nécessaire et de son absolue invraisemblance.
Dans cette histoire d’amour courtois et de bataille, telle à son habitude, Bresson appréhende l’amour de manière aussi courtoise que frustrée.
Il est un contrechamp qui combine l’image d’un huis qui ne cesse de vibrer frénétiquement avec l’image de la promise dans son grand lit blanc.
Il est une chaste scène d’amour où un des chevaliers dont j’ai oublié le nom serre très fort la belle contre lui, l’étreint mais quand il veut la déshabiller, et la voir celle-ci inévitablement se rétracte.
Et oui, l’érotisme chez Bresson se niche peut-être ailleurs plutôt que dans cet inaccomplissement.
La forêt par exemple, avec la richesse de ses arbres et de leurs ramures offre un magnifique panorama que foulent au grand galop les chevaliers d’un autre temps.
Il semble que ce film possède la force et la résonance d’un grand tambour à la peau bien tendue qui fait sonner en nous l’émotion et ça suffit pour faire un film et nous tenir en haleine jusqu’au bout.
Importance primordiale des rituels chez Bresson.
Mais en même temps, dans ce film, on ne peut que s’émouvoir de sa capacité à convoquer, d’invoquer, scander, répercuter autant les lointains souvenirs d’une culture chrétienne immémoriale qui tombe rarement dans l’écueil de la bigoterie, tout en favorisant l’émergence de quelque émotion violente profonde, qui correspond aux ressenti intime et profond, pour ne pas dire convulsif d’un cinéaste qui sait peindre et montrer la passion.
L’histoire de lancelot du lac et la conquête du Graal.
Une histoire bien connue que tout un chacun porte en soi tout en l’ayant un peu oubliée.
Question de bataille et de conquêtes.
Conquérir son territoire.
Chaque bataille déchaîne sa violence.
D’emblée, ce sont des images qui frappent nos sens autant que les sons effleurent ou cinglent nos oreilles.
C’est une gerbe de sang qui coule bruyamment et à grands flots du tronçon sanguinolent d’un chevalier décapité, ou d’un torse encore engoncé dans sa dérisoire armure qui ne le protège finalement de rien.
Ce sont des promenades où l’on voit galoper dans une forêt des chevaux harnachés.
C’est la mise à sac d’un autel, de sa croix et de son ciboire organisée par une troupe d’officiers félons.
Rarement un film de Bresson n’a tiré sur la corde d’un spectaculaire aussi étrange que menaçant.
Plus tard, une musique martiale composée par Philippe Sarde organise, temporise et annonce le défilé des personnages, leur lutte pour le pouvoir et pour l’amour d’une certaine Guenièvre.
Plus tard, encore, un orage suivi d’une pluie torrentielle s’abat sur le campement des chevaliers, orage qui fait hennir de peur les chevaux qui pressentent son avancée.
Pour mieux appréhender ce film,Il faudrait peut-être porter d’abord l’accent sur les sons, la piste sonore, constituée de bruits d’improbables chevauchées, de ces hennissements nerveux, de bruits d’éperon sonnant contre le cuir des flancs des chevaux, de sonneries étranges scandant des entrées et des sorties de personnages qui ressemblent à s’y méprendre à nos buzzers, et aussi de paroles souvent lourdes de sous-entendu prononcées par des hommes qui bataillent dans leur lourde armure grinçante qui les entrave plus qu’autre chose.
Ensuite, il faudrait porter l’accent sur cette insistance de l’image et du cadre à montrer des corps souvent sans tête, corps enferrés dans leur action répétitive : monter à cheval, éperonner une cible, remonter à cheval, enfoncer l’épée dans son fourreau, s’habiller ou enfiler son armure.
Devant cette insistance, on pense à ce film de Len Lye qui montrait de manière répétitive le montage de carcasses automobiles.
Il faudrait aussi s’intéresser à ces duels à la lance entre deux fractions adverses dont on ne nous montre qu’une succession de lever de drapeau à droite puis à gauche, tantôt une rangée de spectateur, une simili barrière de bois tenue par une femme qui fait office de gardien de l’enceinte comme si un choix avait discriminé un ensemble et avait éludé l’inutile au profit du nécessaire et de son absolue invraisemblance.
Dans cette histoire d’amour courtois et de bataille, telle à son habitude, Bresson appréhende l’amour de manière aussi courtoise que frustrée.
Il est un contrechamp qui combine l’image d’un huis qui ne cesse de vibrer frénétiquement avec l’image de la promise dans son grand lit blanc.
Il est une chaste scène d’amour où un des chevaliers dont j’ai oublié le nom serre très fort la belle contre lui, l’étreint mais quand il veut la déshabiller, et la voir celle-ci inévitablement se rétracte.
Et oui, l’érotisme chez Bresson se niche peut-être ailleurs plutôt que dans cet inaccomplissement.
La forêt par exemple, avec la richesse de ses arbres et de leurs ramures offre un magnifique panorama que foulent au grand galop les chevaliers d’un autre temps.
Il semble que ce film possède la force et la résonance d’un grand tambour à la peau bien tendue qui fait sonner en nous l’émotion et ça suffit pour faire un film et nous tenir en haleine jusqu’au bout.
BATALLA EN EL CIELO DE CARLOS REYGADAS, 70 mn , 35 MM COUL, 2005
Héritier de la tradition théâtrale, nombre de films consacrent la relation ancillaire et opposent maître et domestique.
Cette convention fait apparaître et émerger naturellement tous les antagonismes et les paroxysmes liés à une forme de conquête de pouvoir et participent d’une création d’une dramaturgie cohérente.
Il est curieux de constater le retournement opéré par Carlos Reygadas (dont c’est le deuxième film après Japon) qui focalise l’attention du spectateur sur le chauffeur d’une jeune femme pulpeuse, riche aussi belle que Venus et non sur celle-ci.
Nous pénétrons donc dans la vie de ce chauffeur
Au fond,dans cette histoire, son histoire, ce qui nous est proposé c’est d’avancer comme dans les coulisses dans une affaire strictement privée.
La séquence d’introduction commence donc par une « audacieuse » scène de fellation entre ce chauffeur au visage si singulier, chauffeur obèse et ventripotent et cette jeune femme qui lui procure ce plaisir.
Fondé aussi sur une trame policière qui vise à montrer un chauffeur finalement traqué pour avoir enlevé un bébé pour son étrange femme qui ne peut sans doute en mettre au monde, ce film sème ses confettis le long d’une étrange route qui ne mène nulle part si ce n’est à une forme de contemplation qui aboutira à un plan d’ensemble hors de la ville, lieu du malaise.
Contemplation sans cesse présente, quand des scènes de ville nous sont données à voir, avec cette voix off qui alimente l’action du film, scène de ville défilant devant un pare-brise, et aussi à la levée crépusculaire du drapeau mexicain, séquence qui n’est pas filmée d’une manière habituelle académique, multipliant les belles contre-plongées mais selon un angle singulier ; quand aussi ce chauffeur contemple longuement le corps de cette jeune femme après lui avoir fait l’amour.
Il est un autre aspect du film qu’il convient peut-être de souligner : il s’agit du dépouillement assumé, décidé de la mise en scène qui convoque et installe des plans fixes et frontaux souvent gommés de tout bruit naturel auquel on a rajouté des sons étranges, parfois presque indéfinissables.
Deux séquences celle du métro avec sa lumière blanchâtre et verte ainsi que celle la séquence de la résidence attestent de ce parti pris, cependant, dans la séquence du métro, des sons technos et des sonneries électroniques procurent à l’image des sens hétérogènes qui déréalisent quelque peu la supposée vérité documentaire du plan,de même que le silence présent sur les images de la résidence qui tient lieu de bordel de luxe efface toute forme de réalité au profit de l’émergence d’une abstraction.
Enfin, question de casting, dans ce film on pourrait parler de « visagéité » tant chaque visage des protagonistes a été sciemment choisi, convoquant peut-être cette dialectique classique de la belle et la bête mais peu importe, l’image semble être déformée ou imprimée par ces visages et leurs traits qui impriment au récit une singularité, un mystère qui rappellent à nous on ne sait quel souvenir d’une poterie aztèque.
La qualité de cette alliance entre les images et les sons, les parti-pris de mise en scène, les angles de vue primitifs et sans sophistication font de ce film, un film moderne,audacieux, même si le récit policier n’est guère haletant et ne nous passionne guère.
Libre au spectateur d’entrer ou pas dans ce conte étrange venu du Mexique.
Cette convention fait apparaître et émerger naturellement tous les antagonismes et les paroxysmes liés à une forme de conquête de pouvoir et participent d’une création d’une dramaturgie cohérente.
Il est curieux de constater le retournement opéré par Carlos Reygadas (dont c’est le deuxième film après Japon) qui focalise l’attention du spectateur sur le chauffeur d’une jeune femme pulpeuse, riche aussi belle que Venus et non sur celle-ci.
Nous pénétrons donc dans la vie de ce chauffeur
Au fond,dans cette histoire, son histoire, ce qui nous est proposé c’est d’avancer comme dans les coulisses dans une affaire strictement privée.
La séquence d’introduction commence donc par une « audacieuse » scène de fellation entre ce chauffeur au visage si singulier, chauffeur obèse et ventripotent et cette jeune femme qui lui procure ce plaisir.
Fondé aussi sur une trame policière qui vise à montrer un chauffeur finalement traqué pour avoir enlevé un bébé pour son étrange femme qui ne peut sans doute en mettre au monde, ce film sème ses confettis le long d’une étrange route qui ne mène nulle part si ce n’est à une forme de contemplation qui aboutira à un plan d’ensemble hors de la ville, lieu du malaise.
Contemplation sans cesse présente, quand des scènes de ville nous sont données à voir, avec cette voix off qui alimente l’action du film, scène de ville défilant devant un pare-brise, et aussi à la levée crépusculaire du drapeau mexicain, séquence qui n’est pas filmée d’une manière habituelle académique, multipliant les belles contre-plongées mais selon un angle singulier ; quand aussi ce chauffeur contemple longuement le corps de cette jeune femme après lui avoir fait l’amour.
Il est un autre aspect du film qu’il convient peut-être de souligner : il s’agit du dépouillement assumé, décidé de la mise en scène qui convoque et installe des plans fixes et frontaux souvent gommés de tout bruit naturel auquel on a rajouté des sons étranges, parfois presque indéfinissables.
Deux séquences celle du métro avec sa lumière blanchâtre et verte ainsi que celle la séquence de la résidence attestent de ce parti pris, cependant, dans la séquence du métro, des sons technos et des sonneries électroniques procurent à l’image des sens hétérogènes qui déréalisent quelque peu la supposée vérité documentaire du plan,de même que le silence présent sur les images de la résidence qui tient lieu de bordel de luxe efface toute forme de réalité au profit de l’émergence d’une abstraction.
Enfin, question de casting, dans ce film on pourrait parler de « visagéité » tant chaque visage des protagonistes a été sciemment choisi, convoquant peut-être cette dialectique classique de la belle et la bête mais peu importe, l’image semble être déformée ou imprimée par ces visages et leurs traits qui impriment au récit une singularité, un mystère qui rappellent à nous on ne sait quel souvenir d’une poterie aztèque.
La qualité de cette alliance entre les images et les sons, les parti-pris de mise en scène, les angles de vue primitifs et sans sophistication font de ce film, un film moderne,audacieux, même si le récit policier n’est guère haletant et ne nous passionne guère.
Libre au spectateur d’entrer ou pas dans ce conte étrange venu du Mexique.
lundi 26 mai 2008
LOULOU (1980), 35 MM COUL de Maurice Pialat. 150 mn.
Etrangement ce film ressemble à un de ses premiers courts-métrages daté de 1960, court-métrage titré : « L’amour existe ».
Un beau titre trompeur et fallacieux.
Tourné en pellicule noir et blanc, à Courbevoie, Suresnes, Pantin, Vincennes, Orly, L’amour existe filmait, montrait les banlieues de la région parisienne au début des années soixante, faisant remonter par nappes la nostalgie de l’enfance, les images du passé, mais aussi et surtout le vide de la vie quotidienne, le ronron.
Ce film s’achevant sur des grands ensembles en construction du côté d’Orly, laissait le spectateur figé, pétrifié, muet sur son fauteuil, presque sans espoir de sortie.
Vingt ans plus tard, c’est la même ligne directrice, le même sentiment d’inéluctable et de vacuité, la même volonté de filmer la ville et la banlieue, que Pialat met en lumière, met en scène, souligne avec une sorte de délectation étrange et morbide ; sentiment pondéré par un humour acide et aigre jeté sur une tragi-comédie tissée entre trois personnages.
Commençant par un extérieur nuit dans des tons bleutés montrant un personnage secondaire, une femme brune longiligne et mystérieuse aux cheveux longs, marchant dans la nuit sous les arcatures d’un pont (petite comptable qui, comme elle dit si bien « se fait chier dans la vie », comptable dont on apprendra tout par la suite du tempérament fougueux et électrique) puis s’en détournant par un subtil panoramique, qui montre Loulou joué par Gérard Depardieu marchant dans le noir dédale d’une cour intérieure d’un vieil immeuble vermoulu,
Inspiré par une histoire vraie qui donne corps et vérité à une facticité aux accents faussement naturalistes, ce film raconte la dérive amoureuse d’une jeune femme nommée Nelly jouée par Isabelle Huppert qui s’ennuie avec un mari un peu veule mais honnête et mature, joué par Guy Marchand qui, comme le dirait la maxime voudrait son bonheur et lui a livré une « cage dorée » dans laquelle elle s’ennuie.
Dans un bal populaire, elle rencontre un loulou de banlieue qui l’assaille sous les yeux même de ce mari qui se défend, proteste puis abandonne la partie après l’avoir giflée et sermonnée avec beaucoup de maladresse.
Dans la chaleur de cette nuit, sur l’air de Célimène, ses sentiments pour cet « affreux jojo » au grand cœur se révèlent aussitôt et l’entraînent à découcher.
Bien sûr son mari toujours aussi maladroit tente de la réconquérir, mais finit par l’humilier.
Plus que cette anecdote qui pourrait appartenir à la trame d’ un film de Duvivier célébrant les amours et les bagarres d’un jeune MATAMORE portant un blouson de cuir, célébrant les écartèlements suscités par un trio amoureux, peut-être faut-il y voir une peinture de corps et de figures disposées dans des espaces clos dans des chambres un peu vides, une peinture des émotions par nature éphémères et fugaces, volatiles comme de l’essence, mais une peinture formée de taches, de corps et de figures sans cesse en mouvement.
Un mouvement d’une pièce à une autre, d’un bar à un autre d’une rue à une autre, ou rarement voire jamais le ciel n’apparaît dans notre champ de vision.
Difficile d’identifier et de situer les lieux de tournages et d’action, tant celle-ci semble se limiter à des lieux ou à des rues souvent dans le flou.
Un film circulaire, fureteur en plan rapproché.
A cet égard, ces incessants panoramiques qui balayent l’espace cherchant la possible apparition d’un corps ou d’un visage dans le champ de la caméra atteste de cette volonté de capter dans les moindres recoins, jusque dans leur regard, leur silence évocateur, la vie en cours des personnages, leurs incertitudes, leurs grandeurs, leurs petites misères.
Pourtant cette autopsie d’un échec est jalonnée de pépites : l’humour tinté de misogynie mais raillant tout autant la masculinité grossière, inachevée, pour ne pas dire puérile de ce Loulou qui ignore ce qu’il veut faire de sa vie, qui se contente simplement de vivre en aspirant de grandes goulées d’air.
Pialat dans cette peinture acide des couples à la dérive n’épargne personne.
L’action de Loulou alternant les passages entre le bel appartement cossu mais désormais vide du mari trompé et l’hôtel puis le meublé, progresse plus par le jeu des sentiments et par les changements d’attitude de Nelly qui se lisent sans cesse sur son visage, dans son regard en constante évolution tel un paysage marin, que par l’action proprement dite qui est souvent stagnante, redondante.
Seule la séquence très émouvante de la petite fête chez mémère dans sa blouse bleue (qui paraît être sa mère adoptive) dans une sorte de guinguette exile le film dans un ailleurs, où il semble plus facile de couronner par deux lampées de martini le lien familial, l’amitié entre copains -eux aussi à la dérive, qu’un un amour fusionnel voué désormais à l’échec.
On dépanne les copains mais on assiste sidéré et insouciant à la faillite de ses amours, tel est Loulou.
Cependant là où l’amour existe, court-métrage aigre, nous faisait plonger dans une déprime sans fond, Loulou, magnifique film habité par la présence de deux très grands acteurs aux corps ronds, replets, charnus, nus, habité par leur chaleur fusionnelle nous laisse un sentiment d’espoir fondé sur le constat que ces deux-là malgré tout se sont aimés malgré tous leurs antagonismes, malgré leurs différence sociales.
Besoin d’aimer à tour prix et de transcender la vie.
Que faut-il choisir en fin de compte ?
La conformité d’une vie réglée comme un papier millimétré que l’on est libre de trouver ennuyeuse ou pas, ou une vie fondée sur de la rapine et une économie de la débrouille et l’assistance mutuelle de copains sortis de tôle.
A cette question, Pialat choisi de nous laisser dans l’incertitude, posant sa caméra entre ces deux points de vue, filmant frontalement Nelly racontant à Loulou au téléphone son avortement et annonçant par là la fin de son amour avec Loulou, montrant un frère bourgeoisement, théâtralement vêtu d’un petite gilet comme un banquier, qui apparaît dans leur meublé, et qui tente de faire revenir sa sœur vers le droit mais illusoire chemin des apparences ,des convenances, des conventions tout en renvoyant Loulou par ses questions incessantes à ses atermoiements, à ses absences de choix ; en un mot à toutes ses contradictions, insolubles contradictions.
Ainsi, le film fini comme il avait commencé dans une forme d’incertitude.
Un beau titre trompeur et fallacieux.
Tourné en pellicule noir et blanc, à Courbevoie, Suresnes, Pantin, Vincennes, Orly, L’amour existe filmait, montrait les banlieues de la région parisienne au début des années soixante, faisant remonter par nappes la nostalgie de l’enfance, les images du passé, mais aussi et surtout le vide de la vie quotidienne, le ronron.
Ce film s’achevant sur des grands ensembles en construction du côté d’Orly, laissait le spectateur figé, pétrifié, muet sur son fauteuil, presque sans espoir de sortie.
Vingt ans plus tard, c’est la même ligne directrice, le même sentiment d’inéluctable et de vacuité, la même volonté de filmer la ville et la banlieue, que Pialat met en lumière, met en scène, souligne avec une sorte de délectation étrange et morbide ; sentiment pondéré par un humour acide et aigre jeté sur une tragi-comédie tissée entre trois personnages.
Commençant par un extérieur nuit dans des tons bleutés montrant un personnage secondaire, une femme brune longiligne et mystérieuse aux cheveux longs, marchant dans la nuit sous les arcatures d’un pont (petite comptable qui, comme elle dit si bien « se fait chier dans la vie », comptable dont on apprendra tout par la suite du tempérament fougueux et électrique) puis s’en détournant par un subtil panoramique, qui montre Loulou joué par Gérard Depardieu marchant dans le noir dédale d’une cour intérieure d’un vieil immeuble vermoulu,
Inspiré par une histoire vraie qui donne corps et vérité à une facticité aux accents faussement naturalistes, ce film raconte la dérive amoureuse d’une jeune femme nommée Nelly jouée par Isabelle Huppert qui s’ennuie avec un mari un peu veule mais honnête et mature, joué par Guy Marchand qui, comme le dirait la maxime voudrait son bonheur et lui a livré une « cage dorée » dans laquelle elle s’ennuie.
Dans un bal populaire, elle rencontre un loulou de banlieue qui l’assaille sous les yeux même de ce mari qui se défend, proteste puis abandonne la partie après l’avoir giflée et sermonnée avec beaucoup de maladresse.
Dans la chaleur de cette nuit, sur l’air de Célimène, ses sentiments pour cet « affreux jojo » au grand cœur se révèlent aussitôt et l’entraînent à découcher.
Bien sûr son mari toujours aussi maladroit tente de la réconquérir, mais finit par l’humilier.
Plus que cette anecdote qui pourrait appartenir à la trame d’ un film de Duvivier célébrant les amours et les bagarres d’un jeune MATAMORE portant un blouson de cuir, célébrant les écartèlements suscités par un trio amoureux, peut-être faut-il y voir une peinture de corps et de figures disposées dans des espaces clos dans des chambres un peu vides, une peinture des émotions par nature éphémères et fugaces, volatiles comme de l’essence, mais une peinture formée de taches, de corps et de figures sans cesse en mouvement.
Un mouvement d’une pièce à une autre, d’un bar à un autre d’une rue à une autre, ou rarement voire jamais le ciel n’apparaît dans notre champ de vision.
Difficile d’identifier et de situer les lieux de tournages et d’action, tant celle-ci semble se limiter à des lieux ou à des rues souvent dans le flou.
Un film circulaire, fureteur en plan rapproché.
A cet égard, ces incessants panoramiques qui balayent l’espace cherchant la possible apparition d’un corps ou d’un visage dans le champ de la caméra atteste de cette volonté de capter dans les moindres recoins, jusque dans leur regard, leur silence évocateur, la vie en cours des personnages, leurs incertitudes, leurs grandeurs, leurs petites misères.
Pourtant cette autopsie d’un échec est jalonnée de pépites : l’humour tinté de misogynie mais raillant tout autant la masculinité grossière, inachevée, pour ne pas dire puérile de ce Loulou qui ignore ce qu’il veut faire de sa vie, qui se contente simplement de vivre en aspirant de grandes goulées d’air.
Pialat dans cette peinture acide des couples à la dérive n’épargne personne.
L’action de Loulou alternant les passages entre le bel appartement cossu mais désormais vide du mari trompé et l’hôtel puis le meublé, progresse plus par le jeu des sentiments et par les changements d’attitude de Nelly qui se lisent sans cesse sur son visage, dans son regard en constante évolution tel un paysage marin, que par l’action proprement dite qui est souvent stagnante, redondante.
Seule la séquence très émouvante de la petite fête chez mémère dans sa blouse bleue (qui paraît être sa mère adoptive) dans une sorte de guinguette exile le film dans un ailleurs, où il semble plus facile de couronner par deux lampées de martini le lien familial, l’amitié entre copains -eux aussi à la dérive, qu’un un amour fusionnel voué désormais à l’échec.
On dépanne les copains mais on assiste sidéré et insouciant à la faillite de ses amours, tel est Loulou.
Cependant là où l’amour existe, court-métrage aigre, nous faisait plonger dans une déprime sans fond, Loulou, magnifique film habité par la présence de deux très grands acteurs aux corps ronds, replets, charnus, nus, habité par leur chaleur fusionnelle nous laisse un sentiment d’espoir fondé sur le constat que ces deux-là malgré tout se sont aimés malgré tous leurs antagonismes, malgré leurs différence sociales.
Besoin d’aimer à tour prix et de transcender la vie.
Que faut-il choisir en fin de compte ?
La conformité d’une vie réglée comme un papier millimétré que l’on est libre de trouver ennuyeuse ou pas, ou une vie fondée sur de la rapine et une économie de la débrouille et l’assistance mutuelle de copains sortis de tôle.
A cette question, Pialat choisi de nous laisser dans l’incertitude, posant sa caméra entre ces deux points de vue, filmant frontalement Nelly racontant à Loulou au téléphone son avortement et annonçant par là la fin de son amour avec Loulou, montrant un frère bourgeoisement, théâtralement vêtu d’un petite gilet comme un banquier, qui apparaît dans leur meublé, et qui tente de faire revenir sa sœur vers le droit mais illusoire chemin des apparences ,des convenances, des conventions tout en renvoyant Loulou par ses questions incessantes à ses atermoiements, à ses absences de choix ; en un mot à toutes ses contradictions, insolubles contradictions.
Ainsi, le film fini comme il avait commencé dans une forme d’incertitude.
samedi 10 mai 2008
ROSSELINI- ACTE DES APOTRES/BRAVE NEW WORLD
Lors de la sortie de Dogville, les journalistes se sont émus à l’idée qu’un nouveau pas avait été franchi par le cinéma, dans le cadre de la direction d’acteurs, ceux-ci se déplaçant dans un décor tracé à la craie sur du carton.
Mais comme souvent, cette idée avait été précédée par une autre, d’abord, un certain nombre de pièces de Brecht avaient déjà posé fermement ce postulat d’un décor presque immatériel.
Et plus tard, mais dans un même esprit de distanciation, Rosselini qui fut le grand prophète de la télévision avait imaginé quelque chose de semblable
Le film intitulé : « L’acte des apôtres » d’une durée de cinq heures traitait des activités quotidiennes d’individus à la mort du christ et filmant des actions simples de gens simples.
Un tournage très abstrait, sans décors, où les acteurs étaient dirigés par radio ignoraient exactement où ils étaient parce que le décor était entièrement en trucage.
Ils étaient à quelque trois kilomètres de Rosselini.
Rosselini leur parlait à travers cet émetteur radio, décrivant avec précision la porte virtuelle qu’ils devaient passer.
On peut affirmer sans mentir que Rosselini a imaginé une télévision qui n’existera jamais, ou plus une télévision utopique où celle-ci aurait eu pour vertu première d’éclairer les spectateurs sur eux-mêmes, sur leur conscience politique, sociale, économique.
La prise de pouvoir par Louis XIV demeure un exemple phare de ce projet artistique
Surgissant de nulle part, un petit italien aux dents facettées de porcelaine, ancien vendeur de carte postale, roublard fat, hâbleur ayant fait fortune dans l’immobilier, a balayé tout ça et imposé pas à pas un modèle de télévision amnésique ; panorama faussement candide peuplé de présentateurs qui ressemblent à des baudruches ou à quelque homme de paille que le spectateur peut choisir d’effacer ou de dissoudre à coup de SMS surtaxés.
Brave new world.
Mais comme souvent, cette idée avait été précédée par une autre, d’abord, un certain nombre de pièces de Brecht avaient déjà posé fermement ce postulat d’un décor presque immatériel.
Et plus tard, mais dans un même esprit de distanciation, Rosselini qui fut le grand prophète de la télévision avait imaginé quelque chose de semblable
Le film intitulé : « L’acte des apôtres » d’une durée de cinq heures traitait des activités quotidiennes d’individus à la mort du christ et filmant des actions simples de gens simples.
Un tournage très abstrait, sans décors, où les acteurs étaient dirigés par radio ignoraient exactement où ils étaient parce que le décor était entièrement en trucage.
Ils étaient à quelque trois kilomètres de Rosselini.
Rosselini leur parlait à travers cet émetteur radio, décrivant avec précision la porte virtuelle qu’ils devaient passer.
On peut affirmer sans mentir que Rosselini a imaginé une télévision qui n’existera jamais, ou plus une télévision utopique où celle-ci aurait eu pour vertu première d’éclairer les spectateurs sur eux-mêmes, sur leur conscience politique, sociale, économique.
La prise de pouvoir par Louis XIV demeure un exemple phare de ce projet artistique
Surgissant de nulle part, un petit italien aux dents facettées de porcelaine, ancien vendeur de carte postale, roublard fat, hâbleur ayant fait fortune dans l’immobilier, a balayé tout ça et imposé pas à pas un modèle de télévision amnésique ; panorama faussement candide peuplé de présentateurs qui ressemblent à des baudruches ou à quelque homme de paille que le spectateur peut choisir d’effacer ou de dissoudre à coup de SMS surtaxés.
Brave new world.
samedi 29 mars 2008
WEEK END de Jean Luc Godard . Un film Allégorie
Week-end est un film passionnant, grâce et malgré son morceau de bravoure : cet immense travelling long de trois cent mètres que décrivent à l’envi tous les théoriciens du cinéma et qui nous laisse un peu sur notre fin mais qui raconte si bien les aspirations folles d’une époque.
Week-end n’en est pas pour autant une œuvre achevée, quelque chose manque pour parachever l’ouvrage surtout vers la fin du récit où le spectateur semble dérouté à l’image de ce couple constitué, formé de l’éternel gueulard JEAN YANNE, bien à sa place dans ce récit et de la molle MIREILLE DARC qui erre sans but sur cette grande route aussi sinueuse qu’un récit de Lewis Caroll.
Pourtant, l’entrée en matière comme toujours, commence tambour battant et s’élance dégageant un flux d’émotions.
Week-end, comédie dramatique s’empare du mythe du couple petit bourgeois satisfait et repu, mais finalement frustré par trop de satisfactions et qui finit par compenser en prenant sa bagnole pour aller faire un tour à la campagne, histoire de meubler le temps et l’ennui.
Ils habitent dans une belle résidence neuve et pimpante, mais n’ont pas l’air très heureux.
Peut-être même qu’ils se trompent mutuellement.
Peut-être même sûrement, c’est ce dont témoigne le langage de charretier de Jean Yanne qui malmène au téléphone une de ses amantes qu’il traite de « chienne ».
Depuis la hauteur de son balcon, JEAN YANNE voit une scène d’algarade se dérouler devant lui ; des hommes sortis de leur bagnole en viennent aux mains pour des motifs qui lui échappe, et leur combat finement réglé, telle une belle chorégraphie de boxeurs, finit par l’énerver considérablement.
Voici l’incident déclencheur et cette rixe finit par exacerber chez lui toutes ses tendances agressives, lui le gueulard.
Il veut donc partir mais énervé par un gosse irascible déguisé en petit indien qui le harcèle. Il finit par emboutir l’autre bagnole du voisin, une minable dauphine possédée par une petite bourgeoise, comme lui.
JEAN YANNE finit par se dépêtrer avec les poings et sa faconde de cette histoire échappant au fusil du mari lui aussi irascible qui semble tirer au gros sel sur lui et sa femme précieuse un peu fade qui tient beaucoup à son sac à main, à ses toilettes de chez St laurent.
Portrait irréaliste, satirique d’une époque.
A la faveur d’une banale invitation chez une belle-mère, Ils se retrouvent précipités avec leur coupé Ford dans le chaos d’un week-end comme les autres, sur la route duquel des gens comme eux vont s’empêtrer dans un embouteillage ou pour certains plus malchanceux mourir contre un arbre, un de ces arbres qui jonchent ces routes étroites des années soixante dix.
Ils trouveront aussi des révolutionnaires avec leurs tracteurs.
Des scènes édifiantes et de l’émotion.
Comme aucun autre, Godard sait filmer une femme qui parle de sexe avec froideur, tristesse et détachement et jouer de la distance entre sa voix neutre, monocorde, mais non dépourvue d’émotions et les mots crus qu’elle va prononcer.
Le sexe chez Godard raconté, possède souvent un fond de mélancolie protestante et moraliste.
Procédé théâtral certes, mais tous les procédés sont bons pour mener à la conduite d’une récit, à sa dramatisation ; procédé d’une rare efficacité, et MIREILLE DARC, dans la pénombre d’une pièce, mise à nue de manière documentaire et vériste, jouant son propre rôle vaguement dénudée soutien-gorge apparent, cuisses nues se confiant à son improbable mari ( une sorte de confident que nous ne reverrons plus) malgré la dureté de son monologue emprunté à Georges Bataille obtient là un de ses meilleurs rôles.
Se confiant à ce qui paraît être son mari, elle semble à la fois tendue et fragile, vulnérable racontant une espèce d’improbable partouze dont les ramifications semblent aussi infinies que le nombre des protagonistes, les noms changent, les positions, et même les prénoms.
Mais que faisait-elle dans cette composition des corps.
Parfois_ et là Godard sait faire vibrer le corde sensible du spectateur,il couvre la parole de cette femme triste et ses souvenirs qui remontent en nappe par de la musique un peu lyrique, celle crée par Georges Duhamel ; l’ensemble fonctionne bien comme la plupart des bande-sons chez Godard et contribue aussi à une dramatisation du récit.
Il est intéressant d’établir ce parallèle.
Souvenons-nous douze ans plus tard, en 1979 dans le violent « Sauve qui peut la vie », qui sonnait comme une renaissance et qui fut un succès public.
Godard y racontait la vie d’une prostituée venue de sa campagne, interprétée par Isabelle Huppert lui fera dire des mots tout aussi crus et filmera sans ambages dans une chambre d’hôtel de Lausanne la chaîne du désir, montrant non sans un certain humour, l’absurdité d’un tel esprit de géométrie dirigée par un dirigeant de football vulgaire, égrillard.
Sans adhérer nécessairement à cette manière de montrer l’amour, mais sans juger non plus cette indépendance d’esprit,cette autonomie qui est la marque d’un artiste il est néanmoins des constances qui ne peuvent s’ignorer et qui contrecarrent frontalement, volontairement la grivoiserie, la complaisance de certains autres qu’ une certaine MIREILLE DARC avait justement habité et nourri de son enveloppe, de sa voix fade, mièvre et niaise.
Week-end avance sur l’écran comme une réflexion qui s’établirait de concert avec le spectateur : voici l’histoire, voici les protagonistes, voici le contexte, et puis voilà comment ça déraille, et comment une utopie foutraque et dangereuse comme toutes les utopies peut naître du chaos ou de l’humus ; une utopie qui tiendrait autant du croisement d’une relecture des textes révolutionnaires de Robespierre et des autres et de Père Ubu par sa grossièreté, sa crudité, sa violence sous-jacente.
Un autre motif énigmatique émaille et jalonne ce film, et finit même par nous étonner : que de voitures entassées, renversées comprimées les unes contre les autres.: ce film ressemble bientôt à une promenade le long d’une casse automobile, ou à une sorte d’exacerbation d’un fait sociologique :le terrible et banal accident de voiture. Mais peut-être nous faut-il aller plus loin dans notre analyse pour saisir un peu du mystère.
Si l’on comprend rapidement le motif des automobiles cabossées et plus tard brûlées qui jonchent cette route, il nous est plus difficile de saisir avec acuité et précision ce que leur répétition obsédante, leur accumulation, le long de cette route finit par imprimer au récit. Comme un effacement de leur présence à cause justement de leur omniprésence Bientôt ces signes postés presque à chaque coin des routes, les bornant finissent par oblitérer cette réalité ou sa représentation au point de nous troubler,de nous désarçonner.
Un récit ramené au point-mort.
Une faillite organisée de la représentation, et s’organisant sciemment contre elle et voilà un film qui semble partir en roue libre semant ses protagonistes et le spectateur dans une forêt digne d’un cauchemar.
Des archétypes malmenés, malaxés.
D’ailleurs la rencontre, les rencontres avec un certain Joseph Basalmo qui tend des pièges et sa compagne sous une pluie battante à l’orée de cette forêt puis avec une improbable Alice de Pacotille qui tente de renforcer la rationalité scientifique du récit rejoint cette perspective déroutante et absurde.
On dirait une sorte de guerre incompréhensible, sans avions ni blindés avec d’invisibles protagonistes qui se joue là sous nos yeux, tout le monde semble vouloir s’étriper mais leurs intentions, leurs motivations semblent indiscernables, ingouvernables.
Tout ce qui possédait une forme de cohérence la perd finalement au profit d’une sorte de phénomène de sidération pour des atrocités et des événements spectaculaires qui nous sont représentés ou qui se présentent devant nous avec la forme d’une épiphanie dont le sens ne nous est pas ou plus révélé par l’énonciation d’un récit.
Perte du sens ?
Evidemment pour parachever cette peinture digne d’un Jérome Bosch, quoi de mieux qu’un batteur perdu dans une nuée de fougères, une assemblée d’hystériques révolutionnaires chevelus, vêtus à la diable de roses, et un horrible, grotesque cuisinier cannibale teint de rouge avec son grotesque couteau qui cuit des côtelettes.
Mais toute utopie fut –elle dangereuse révèle aussi sa part d’idéalisme et de beauté, celle qui permet au réalisateur d’offrir à des paysans aux allures dignes et raides tout droit sortis d’un tableau de Le Nain, d’assister à un concert de Mozart didactique dans une cour de ferme cossue de l’ancienne seine et Oise.
Qu’est devenu au fil de ce récit, le couple petit bourgeois du début ? et bien comme dans un récit primitif qui peuple l’inconscient de chacun depuis la nuit des temps le mari a été mangé par sa femme consommée, absorbée par le groupe, laquelle a coiffé ses cheveux au carré d’un de ces bandeaux roses communs à tous ces révolutionnaires qui ont pour la plupart mal fini et qui pourtant lui demeure très seyant.
Triomphe des apparences sur l’utopie et interrogation sur un star system en déroute.
Sans être un film totalement achevé ni dominé(-mais au fond est-ce là le but ou l’objectif d’une œuvre d’art ? tout cela est discutable ), on dirait un film aventureux, pour ne pas dire erratique : certaines réflexions ou thématiques politiques semblent un peu poussives ou datées et ne possèdent pas la grâce poétique envolée de La Chinoise, certaines séquences un peu longuettes : scène des monologues entre arabes et noirs avec les sandwiches devant une benne à ordures où les mouches volètent…
Pourtant, Week-end vaut le détour et synthétise les aspirations de l’époque de Godard à vouloir changer la donne, à inventer, expérimenter sans cesse fut-ce au prix d’une incompréhension d’un public devenu aujourd’hui si paresseux et si veule au point de faire triompher des nullités sans nom.
D’ailleurs, au contraire de Week-end, leurs titres paraissent interchangeables.
Week-end n’en est pas pour autant une œuvre achevée, quelque chose manque pour parachever l’ouvrage surtout vers la fin du récit où le spectateur semble dérouté à l’image de ce couple constitué, formé de l’éternel gueulard JEAN YANNE, bien à sa place dans ce récit et de la molle MIREILLE DARC qui erre sans but sur cette grande route aussi sinueuse qu’un récit de Lewis Caroll.
Pourtant, l’entrée en matière comme toujours, commence tambour battant et s’élance dégageant un flux d’émotions.
Week-end, comédie dramatique s’empare du mythe du couple petit bourgeois satisfait et repu, mais finalement frustré par trop de satisfactions et qui finit par compenser en prenant sa bagnole pour aller faire un tour à la campagne, histoire de meubler le temps et l’ennui.
Ils habitent dans une belle résidence neuve et pimpante, mais n’ont pas l’air très heureux.
Peut-être même qu’ils se trompent mutuellement.
Peut-être même sûrement, c’est ce dont témoigne le langage de charretier de Jean Yanne qui malmène au téléphone une de ses amantes qu’il traite de « chienne ».
Depuis la hauteur de son balcon, JEAN YANNE voit une scène d’algarade se dérouler devant lui ; des hommes sortis de leur bagnole en viennent aux mains pour des motifs qui lui échappe, et leur combat finement réglé, telle une belle chorégraphie de boxeurs, finit par l’énerver considérablement.
Voici l’incident déclencheur et cette rixe finit par exacerber chez lui toutes ses tendances agressives, lui le gueulard.
Il veut donc partir mais énervé par un gosse irascible déguisé en petit indien qui le harcèle. Il finit par emboutir l’autre bagnole du voisin, une minable dauphine possédée par une petite bourgeoise, comme lui.
JEAN YANNE finit par se dépêtrer avec les poings et sa faconde de cette histoire échappant au fusil du mari lui aussi irascible qui semble tirer au gros sel sur lui et sa femme précieuse un peu fade qui tient beaucoup à son sac à main, à ses toilettes de chez St laurent.
Portrait irréaliste, satirique d’une époque.
A la faveur d’une banale invitation chez une belle-mère, Ils se retrouvent précipités avec leur coupé Ford dans le chaos d’un week-end comme les autres, sur la route duquel des gens comme eux vont s’empêtrer dans un embouteillage ou pour certains plus malchanceux mourir contre un arbre, un de ces arbres qui jonchent ces routes étroites des années soixante dix.
Ils trouveront aussi des révolutionnaires avec leurs tracteurs.
Des scènes édifiantes et de l’émotion.
Comme aucun autre, Godard sait filmer une femme qui parle de sexe avec froideur, tristesse et détachement et jouer de la distance entre sa voix neutre, monocorde, mais non dépourvue d’émotions et les mots crus qu’elle va prononcer.
Le sexe chez Godard raconté, possède souvent un fond de mélancolie protestante et moraliste.
Procédé théâtral certes, mais tous les procédés sont bons pour mener à la conduite d’une récit, à sa dramatisation ; procédé d’une rare efficacité, et MIREILLE DARC, dans la pénombre d’une pièce, mise à nue de manière documentaire et vériste, jouant son propre rôle vaguement dénudée soutien-gorge apparent, cuisses nues se confiant à son improbable mari ( une sorte de confident que nous ne reverrons plus) malgré la dureté de son monologue emprunté à Georges Bataille obtient là un de ses meilleurs rôles.
Se confiant à ce qui paraît être son mari, elle semble à la fois tendue et fragile, vulnérable racontant une espèce d’improbable partouze dont les ramifications semblent aussi infinies que le nombre des protagonistes, les noms changent, les positions, et même les prénoms.
Mais que faisait-elle dans cette composition des corps.
Parfois_ et là Godard sait faire vibrer le corde sensible du spectateur,il couvre la parole de cette femme triste et ses souvenirs qui remontent en nappe par de la musique un peu lyrique, celle crée par Georges Duhamel ; l’ensemble fonctionne bien comme la plupart des bande-sons chez Godard et contribue aussi à une dramatisation du récit.
Il est intéressant d’établir ce parallèle.
Souvenons-nous douze ans plus tard, en 1979 dans le violent « Sauve qui peut la vie », qui sonnait comme une renaissance et qui fut un succès public.
Godard y racontait la vie d’une prostituée venue de sa campagne, interprétée par Isabelle Huppert lui fera dire des mots tout aussi crus et filmera sans ambages dans une chambre d’hôtel de Lausanne la chaîne du désir, montrant non sans un certain humour, l’absurdité d’un tel esprit de géométrie dirigée par un dirigeant de football vulgaire, égrillard.
Sans adhérer nécessairement à cette manière de montrer l’amour, mais sans juger non plus cette indépendance d’esprit,cette autonomie qui est la marque d’un artiste il est néanmoins des constances qui ne peuvent s’ignorer et qui contrecarrent frontalement, volontairement la grivoiserie, la complaisance de certains autres qu’ une certaine MIREILLE DARC avait justement habité et nourri de son enveloppe, de sa voix fade, mièvre et niaise.
Week-end avance sur l’écran comme une réflexion qui s’établirait de concert avec le spectateur : voici l’histoire, voici les protagonistes, voici le contexte, et puis voilà comment ça déraille, et comment une utopie foutraque et dangereuse comme toutes les utopies peut naître du chaos ou de l’humus ; une utopie qui tiendrait autant du croisement d’une relecture des textes révolutionnaires de Robespierre et des autres et de Père Ubu par sa grossièreté, sa crudité, sa violence sous-jacente.
Un autre motif énigmatique émaille et jalonne ce film, et finit même par nous étonner : que de voitures entassées, renversées comprimées les unes contre les autres.: ce film ressemble bientôt à une promenade le long d’une casse automobile, ou à une sorte d’exacerbation d’un fait sociologique :le terrible et banal accident de voiture. Mais peut-être nous faut-il aller plus loin dans notre analyse pour saisir un peu du mystère.
Si l’on comprend rapidement le motif des automobiles cabossées et plus tard brûlées qui jonchent cette route, il nous est plus difficile de saisir avec acuité et précision ce que leur répétition obsédante, leur accumulation, le long de cette route finit par imprimer au récit. Comme un effacement de leur présence à cause justement de leur omniprésence Bientôt ces signes postés presque à chaque coin des routes, les bornant finissent par oblitérer cette réalité ou sa représentation au point de nous troubler,de nous désarçonner.
Un récit ramené au point-mort.
Une faillite organisée de la représentation, et s’organisant sciemment contre elle et voilà un film qui semble partir en roue libre semant ses protagonistes et le spectateur dans une forêt digne d’un cauchemar.
Des archétypes malmenés, malaxés.
D’ailleurs la rencontre, les rencontres avec un certain Joseph Basalmo qui tend des pièges et sa compagne sous une pluie battante à l’orée de cette forêt puis avec une improbable Alice de Pacotille qui tente de renforcer la rationalité scientifique du récit rejoint cette perspective déroutante et absurde.
On dirait une sorte de guerre incompréhensible, sans avions ni blindés avec d’invisibles protagonistes qui se joue là sous nos yeux, tout le monde semble vouloir s’étriper mais leurs intentions, leurs motivations semblent indiscernables, ingouvernables.
Tout ce qui possédait une forme de cohérence la perd finalement au profit d’une sorte de phénomène de sidération pour des atrocités et des événements spectaculaires qui nous sont représentés ou qui se présentent devant nous avec la forme d’une épiphanie dont le sens ne nous est pas ou plus révélé par l’énonciation d’un récit.
Perte du sens ?
Evidemment pour parachever cette peinture digne d’un Jérome Bosch, quoi de mieux qu’un batteur perdu dans une nuée de fougères, une assemblée d’hystériques révolutionnaires chevelus, vêtus à la diable de roses, et un horrible, grotesque cuisinier cannibale teint de rouge avec son grotesque couteau qui cuit des côtelettes.
Mais toute utopie fut –elle dangereuse révèle aussi sa part d’idéalisme et de beauté, celle qui permet au réalisateur d’offrir à des paysans aux allures dignes et raides tout droit sortis d’un tableau de Le Nain, d’assister à un concert de Mozart didactique dans une cour de ferme cossue de l’ancienne seine et Oise.
Qu’est devenu au fil de ce récit, le couple petit bourgeois du début ? et bien comme dans un récit primitif qui peuple l’inconscient de chacun depuis la nuit des temps le mari a été mangé par sa femme consommée, absorbée par le groupe, laquelle a coiffé ses cheveux au carré d’un de ces bandeaux roses communs à tous ces révolutionnaires qui ont pour la plupart mal fini et qui pourtant lui demeure très seyant.
Triomphe des apparences sur l’utopie et interrogation sur un star system en déroute.
Sans être un film totalement achevé ni dominé(-mais au fond est-ce là le but ou l’objectif d’une œuvre d’art ? tout cela est discutable ), on dirait un film aventureux, pour ne pas dire erratique : certaines réflexions ou thématiques politiques semblent un peu poussives ou datées et ne possèdent pas la grâce poétique envolée de La Chinoise, certaines séquences un peu longuettes : scène des monologues entre arabes et noirs avec les sandwiches devant une benne à ordures où les mouches volètent…
Pourtant, Week-end vaut le détour et synthétise les aspirations de l’époque de Godard à vouloir changer la donne, à inventer, expérimenter sans cesse fut-ce au prix d’une incompréhension d’un public devenu aujourd’hui si paresseux et si veule au point de faire triompher des nullités sans nom.
D’ailleurs, au contraire de Week-end, leurs titres paraissent interchangeables.
vendredi 7 mars 2008
FILMCRITICA par un ennemi de Fellini
Je ne résiste pas à la tentation de vous citer l' extrait d’une critique consacrée à Satyricon réalisé en 1972, signée Sergio Arecco, ennemi notoire de Fellini qui vaut le détour et qui est citée dans le livre de l’un de ses anciens scénaristes, un certain Bernardino Zapponi.
« la lire, c’était entrer sur une planète inconnue : « le dernier travail de Fellini nous manifeste une différentiation sémantique, qui ne fait rien d’autre que renvoyer aux données conjecturées des deux expériences psychédéliques précédentes, Juliette des Esprits et Toby Dammit.
Une accumulation de niveaux et corrélats optiques qui déterminent arythmie, incongruence… « Et puis : « La réflexion iconique n’arrive pas à dimensionner l’exubérance du donné,et sélectionne seulement des secteurs passagers de la texture revendiquée, dénonçant un profit perdu macroscopique… » Et on parlait de « distraction mise hors de la distorsion des pleins et des vides pour conclure avec « …une siccité de moteurs idéologiques, de motivations grammaticales, de réalités romanesques. »
L’entropie de Federico Fellini. Le Kistch.
Federico était sous le charme. Presque admiratif.
« Comment peut-on écrire comme ça ? Murmurait-il.
Page 50 de « Mio fellini » par Zapponi, éditions de Fallois.
« la lire, c’était entrer sur une planète inconnue : « le dernier travail de Fellini nous manifeste une différentiation sémantique, qui ne fait rien d’autre que renvoyer aux données conjecturées des deux expériences psychédéliques précédentes, Juliette des Esprits et Toby Dammit.
Une accumulation de niveaux et corrélats optiques qui déterminent arythmie, incongruence… « Et puis : « La réflexion iconique n’arrive pas à dimensionner l’exubérance du donné,et sélectionne seulement des secteurs passagers de la texture revendiquée, dénonçant un profit perdu macroscopique… » Et on parlait de « distraction mise hors de la distorsion des pleins et des vides pour conclure avec « …une siccité de moteurs idéologiques, de motivations grammaticales, de réalités romanesques. »
L’entropie de Federico Fellini. Le Kistch.
Federico était sous le charme. Presque admiratif.
« Comment peut-on écrire comme ça ? Murmurait-il.
Page 50 de « Mio fellini » par Zapponi, éditions de Fallois.
vendredi 29 février 2008
Isola de Vincent Pinckaers, Film 35 MM, durée 16 mn.
Claudio Montale, géologue réputé qui travaille à Messine, en Sicile, doit remettre un rapport sur la stabilité sismique de la région en vue de la construction d’un pont qui relirait l’île au reste de l’Italie. Sa décision risque d’avoir des conséquences décisives: des enjeux politiques et personnels se cachent derrière son geste…
jeudi 21 février 2008
JE T'AIME, JE T'AIME d'Alain Resnais, France, 35 MM, Coul, Durée : 1h 31min. 1968
« Alors que la science permet d’envoyer une souris pendant une minute dans son passé, le moment est venu d’étendre l’expérience à l’homme.
Un écrivain qui a réchappé d’une tentative de suicide accepte d’étrenner la machine à remonter le temps »
Muriel, mettait en scène une ville schizophrène, éclatée, parcellaire comme l’était Boulogne sur mer en 1963.
« Je t’aime, je t’aime ». ressemble à un rêve de déjanté ou un poème surréaliste.
Hier soir, nous avons vu ce film étrange.
Ce Resnais oublié, abandonné comme une voiture à la ferraille nous a tout à tour, surpris, étonné, irrité et ému.
Pourtant, nous y avons visionné un somptueux rêve neurasthénique, rêve syncopé, agité de soubresauts, de saccades constituant une des rares formes d’interrogations actualisant les images de nos vies routinières, nos quotidiens monotones..
D’ailleurs,«Je t’aime, je t’aime » écrit en collaboration avec l’écrivain de science fiction, Jacques Sternberg-rompu aux formes brèves, ressemble à aucun autre film.
Ses origines belges ont profondément nourri, alimenté ce film de ces interrogations sur ce pays tissé de paradoxes.
A quoi ressemble ce film ?
A vrai dire, on dirait un film d’anticipation- quelque chose de l’ordre des récits de Van Vogt ou de Bradbury ou de Frédéric Brown, mais finalement l’histoire compte moins que la mise en exergue d’un processus d’assemblage et de montage, de réflexion sur l’image, et la mémoire qu’elle articule, et éclaire.
La mémoire maitre mot et fil conducteur de toute l’œuvre d’Alain Resnais.
Au fond, on peut penser à Vertov qui dans « L’homme à la caméra » jouait avec le temps, le manipulait à sa guise. Pensons à la séquence de la monteuse qui joue avec le temps du film dans sa salle, qui arrête l’image de ses baigneurs, ou l’image de cette paysanne souriante puis reprend son mouvement et l’indicible flux du temps.
Processus d’une rare complexité aussi ténu que dense, aussi tendu que profond, mettant en jeu les soubassements de notre mémoire, la faisant travailler nous désarçonnant souvent.
L’histoire constituée uniquement de temps morts d’une existence banale articule un soupçon de science fiction, de « New age » avant l’heure, (dont témoigne cette grotte aux tons maronnasses beigeasses qui ressemble à un utérus ou à une matrice planté d’étranges gerbes de néons) ou en synchronicité avec les expériences des californiens sur les modifications des perceptions de la conscience par l’usage des hallucinogènes.
Etrange film dont cette matrice reçoit puis accouche des géniales élucubrations, extrapolations de Resnais sur les virtualités, les potentialités du montage, et des effets Koulechov, des raccords improbables, qui nous propose un voyage incroyable pour ne pas dire nauséeux dans le temps et l’espace, agité par des déphasages permanents qui nous place dans la position d’un spectateur toujours aux aguets qui tente de faire son film, de le refaire, de reconstituer tous ses fragments épars, et dont la propre mémoire péniblement s’efforce de rassembler les sources, d’échelonner ces pans de récit afin de restituer une forme de chronologie rassurante, loin de cette mémoire manipulée, chaotique et confuse.
Finalement, à bien des égards, « Je t’aime, Je t’aime » au même titre que le fulgurant Muriel représente un point d’orgue dans le cinéma d’auteur dans les modalités d’organisation d’un récit, mais forme aussi un point de non retour ; révélation ,exacerbation des tendances à l’expérimentation formelle commune au cinéma des années soixante, qui aimait présenter, confronter dans une même séquence passé et présent ,expérimentation qui n’est jamais réapparue dès lors, et c’est sans doute dommage.
La faute en incombe t-elle seulement aux producteurs et aux distributeurs devenus aujourd’hui si frileux, ou le public se serait-il lassé de ces inventions parfois artificielles ou trop formelles ?
Rien n’est sur.
Cependant,l comme toujours, celle-ci ont été absorbées, intégrées, socialisés par les téléfilms qui distillé ces inventions au point de les intégrer à leur structure scénaristique, à leur bible, à leur mode d’exposition de leur personnage
Toutefois, souvent américains ceux-ci ont plus souvent recours aux modes du flash-back qui vise à expliquer sur un mode analytique les liens de causalité entre un passé et un présent, comme un recours à la fatalité, qu’à d’autres modes d’exposition, de présentation du récit qui est en germe ici dans ce film.
Gageons que linéarisé, ce film unique perdrait de sa dynamique.
, et aussi l’histoire de cette expérience scientifique qui consiste à renvoyer dans son passé un homme qui a tenté de se suicider après un amour déçu perdrait nettement de son intérêt.
Ce serait un film linéaire.
Peut-être faudrait interroger le contexte d’apparition, les circonstances qui a contribué à l’émergence de cette notion de déconstruction du récit tant dans sa forme littéraire que cinématographique, et l’intrication des deux domaines, car souvent un style, ou une création définit une époque, et une époque définit une création, mais c’est une autre histoire.
Intéressons-nous plutôt à ce qui forme l’essentiel et l’intérêt crucial de ce film qui nous laisse circonspect et songeur, et nous rend plus conscient de nous-même.
En fait, ce qui semble former la clef de voûte de cette continuité, discontinuité c’est la mise en exergue des temps morts d’une vie, intention artistique et d’écriture qu’avait formulé l’écrivain de Science fiction Sternberg , (qui a écrit pas pour ce film pas moins de 500 fragments de petites scènes que Resnais a ou non choisies et élues, selon quels critères, nous ne le saurons jamais) c’est aussi la mise en exergue des rapports imprévisibles entre des scènes éclatées, dispersées dont nous ne percevons que les collages, les surfaces de contact, les rapprochements, les chocs des sons et des voix parfois douces, parfois criaillantes.
Une scène très drôle, une des premières, filmées en Méditerranée nous montre Claude Ridder joué donc par Claude Rich, un peu maigrelet, sortant de l’eau à sept ou huit reprise, - la scène est rééitérée jusqu’à épuisement, tirant celle-ci jusqu’à la dérision, forçant au comique de répétition, avec son masque sur le nez, et répondant à la question banale de sa compagne : « Alors tu as pêché quelque chose » , et lui de répondre la rejoignant « oui j’ai eu des araignées de mer et quelques crabes », et puis au fil des répétitions le récit devient de plus en plus incohérent.
Tout cela, tout ce désordre pourtant savamment pensé, élaboré crée un trouble profond en nous, car toujours et encore telles les petites souris de laboratoire, nous tentons de recomposer, de formuler une idée de récit, de reformuler dans un ordre chronologique les pans de la biographie de Claude Ridder, regroupant seize ans d’une existence inintéressante, parce que banale ; existence aussi instable que vélléitaire.
Considérons aussi que « je t’aime, je t’aime » scandé par cette musique inquiétante de Pederencki, marqué par ce rouge qui apparaît en tache, en signes tout au long du récit depuis le générique jusqu’aux couvres-lit, et aux taches du suicidé est un film d’une rare incongruité qui imprime au spectateur une forme de désespérance.
La belgitude
Il est une autre originalité dans ce projet artistique employant un écrivain Belge tel que Sternberg, qui est de montrer au cinéma la complexité de la Belgique, son contexte artistique, ses paysages et ses intérieurs souvent mochards, mais ce sont les choix de Resnais qui ont incliné vers ce versant.
Exposant subtilement, d’une part les antagonismes d’une Belgique schizophrène, partagée entre deux communautés, atteinte en son cœur par les soubresauts d’une occupation allemande mal digérée, et minée par la politique de compromission avec l’ennemi, et tendant d’autre part à rendre hommage à la belgitude et au surréalisme belge, auquel on peut associer les figures de Jean Ray, l’auteur de Dick Tracy, Marien, ou Delvaux.
Cela est visible dans les inscriptions bi -lingues qui apparaissent sur le linteau de cet étrange hôpital qui ressemble à une sorte d’usine peinte de blanc et violemment éclairée, cela aussi est perceptible dans la rigidité gutturale de cette langue flamande parlée par ces techniciens médecins aux impeccables blouses blanches qui apparemment épouvantait Sternberg.
Cela est perceptible, dans ces scènes extérieures montrant des plages d’Ostende, montrant des villes comme Louvain ou Bruxelles, et leurs ramifications complexes sillonnées par les tramways jaunâtres, par des voitures jaunâtres, puis dans les intérieurs présentant deux hôpitaux massifs, blancs, visiblement ripolinés de frais qui ressemblent beaucoup aux mystérieuses architecture de Delvaux, éclairés par cette lumière douce et pleurante, (ou au contraire crépusculaire chez Delvaux) sur les galons jaunâtres eux aussi, sur les murs blancs, sur les reliefs géométriques et sur les corps.
A cet égard, cette scène ou Claude Ridder s’inscrit en marchant lentement dans le cadre que forme ces couloirs plafonné de portique de béton, dans le point de mire d’une perspective rigide, dans d’interminables dédales s’apparente un peu à du Delvaux ou à ce lointain parent italien Chirico.
Parallèlement à ces hommages ou emprunts, il en est d’autres qui rappellent à nous les anticipations des comics que lisait Resnais et dont il s’est fatalement souvenu : « le voyage dans une pièce de monnaie », quand par exemple Brick Bradford revenait subitement et avant l’heure de son aventure avant que les scientifiques n’aient quitté le laboratoire.
Certains autres citeraient Twice Alice.
Ce film nous imprègne de son étrange sensorialité qui met tous nos sens en éveil : l’aspect tactile et mou de cette grotte, matrice qui accueille le corps de cet homme devenu sujet d’expérimentation, les saccades perpétuelles tout droit sorties d’un cauchemar de ces scènes discontinues, s’étalant, se répétant tels des colonnades à perte de vue.
Cependant, force est de constater que ce film n’agit pas comme un bon lénifiant mais qu’il nous éprouve à chaque seconde, éprouve notre réactivité, cet ébranlement est heureusement pondéré par un humour sous –jacent qui fait mentir le sens des images et nous détache de leur impeccable lissé.
Le jeu constant sur les mots, sur les situations, sur une sorte nouveau langage qui rejoint les formulations d’Adamov( délaissées aujourd’hui par le théâtre contemporain qui a privilégié Becket et Ionesco) sur les possibilités de moduler un récit à sa guise.
Ah, le monteur à sa table qui joue et assemble toutes ces images…
D’autre part, si ce film ne nous procure aucun espoir, c’est aussi à cause ou plutôt par la présence de cette actrice qui nous semble ailleurs sans cesse : Olga Georges Picot dont nous connaissons le triste dessein, dont les lignes de fuite du regard nébuleux, dont le visage formant une sorte de masque impénétrable, dont les gestes violents nous glacent.
De même, l’histoire de cet homme suicidé ne nous force pas à nous identifier à cette histoire mais nous en éloigne plutôt, comme nous en éloigne cette apparition d’un médecin déguisé en un étrange animal à la tête vert émeraude.
Ce film singulier, aussi beau que difficile à regarder nous incite enfin à penser que des films aussi magnifiques qu’intelligents comme « Providence « et « Mon oncle d’Amérique » ne sont pas nés de nulle part, que d’autres expériences les ont précédées.
A cet égard, » je t’aime je t’aime » par ses aspects cliniques, désensiblisés, par ces réitérations de récit et de scènes banales de bonheur et de désespoirs, de scénette de travail, ici on assiste à la progression, à l’ascension sociale d’un commis de libraire ? par ces inventions, par ces permutations nous interroge aussi sur nos propres névroses, sur nos temporalités inachevées, décalées sur les temps différés de nos consciences, mais plus que nul autre, c’est un objet précieux qui nous documente sur une époque révolue ; espèce de récit biographique sinueux, complexe, un de premiers récits aléatoire, dispersé, parent de la Jetée qui anticipait de par sa nature hétérogène, de par son contenu sur les modalités de construire un récit, sur les navigations hypermédias qui insensiblement mais sûrement ont modifié, puis façonné nos schèmes de perception, nos rapports à autrui, la manière de façonner nos images dans notre tête.
A cet égard, l’archivage thématique, nominaliste de petits fragments de vidéos que tout un chacun regarde, indexé sur le verbe et non sur des typologies l’image ; archivage sur You tube ou Daily Motion reflète l’influence ces nouveaux modes de pensée qu’a projeté à son époque ce film déconcertant.
Un écrivain qui a réchappé d’une tentative de suicide accepte d’étrenner la machine à remonter le temps »
Muriel, mettait en scène une ville schizophrène, éclatée, parcellaire comme l’était Boulogne sur mer en 1963.
« Je t’aime, je t’aime ». ressemble à un rêve de déjanté ou un poème surréaliste.
Hier soir, nous avons vu ce film étrange.
Ce Resnais oublié, abandonné comme une voiture à la ferraille nous a tout à tour, surpris, étonné, irrité et ému.
Pourtant, nous y avons visionné un somptueux rêve neurasthénique, rêve syncopé, agité de soubresauts, de saccades constituant une des rares formes d’interrogations actualisant les images de nos vies routinières, nos quotidiens monotones..
D’ailleurs,«Je t’aime, je t’aime » écrit en collaboration avec l’écrivain de science fiction, Jacques Sternberg-rompu aux formes brèves, ressemble à aucun autre film.
Ses origines belges ont profondément nourri, alimenté ce film de ces interrogations sur ce pays tissé de paradoxes.
A quoi ressemble ce film ?
A vrai dire, on dirait un film d’anticipation- quelque chose de l’ordre des récits de Van Vogt ou de Bradbury ou de Frédéric Brown, mais finalement l’histoire compte moins que la mise en exergue d’un processus d’assemblage et de montage, de réflexion sur l’image, et la mémoire qu’elle articule, et éclaire.
La mémoire maitre mot et fil conducteur de toute l’œuvre d’Alain Resnais.
Au fond, on peut penser à Vertov qui dans « L’homme à la caméra » jouait avec le temps, le manipulait à sa guise. Pensons à la séquence de la monteuse qui joue avec le temps du film dans sa salle, qui arrête l’image de ses baigneurs, ou l’image de cette paysanne souriante puis reprend son mouvement et l’indicible flux du temps.
Processus d’une rare complexité aussi ténu que dense, aussi tendu que profond, mettant en jeu les soubassements de notre mémoire, la faisant travailler nous désarçonnant souvent.
L’histoire constituée uniquement de temps morts d’une existence banale articule un soupçon de science fiction, de « New age » avant l’heure, (dont témoigne cette grotte aux tons maronnasses beigeasses qui ressemble à un utérus ou à une matrice planté d’étranges gerbes de néons) ou en synchronicité avec les expériences des californiens sur les modifications des perceptions de la conscience par l’usage des hallucinogènes.
Etrange film dont cette matrice reçoit puis accouche des géniales élucubrations, extrapolations de Resnais sur les virtualités, les potentialités du montage, et des effets Koulechov, des raccords improbables, qui nous propose un voyage incroyable pour ne pas dire nauséeux dans le temps et l’espace, agité par des déphasages permanents qui nous place dans la position d’un spectateur toujours aux aguets qui tente de faire son film, de le refaire, de reconstituer tous ses fragments épars, et dont la propre mémoire péniblement s’efforce de rassembler les sources, d’échelonner ces pans de récit afin de restituer une forme de chronologie rassurante, loin de cette mémoire manipulée, chaotique et confuse.
Finalement, à bien des égards, « Je t’aime, Je t’aime » au même titre que le fulgurant Muriel représente un point d’orgue dans le cinéma d’auteur dans les modalités d’organisation d’un récit, mais forme aussi un point de non retour ; révélation ,exacerbation des tendances à l’expérimentation formelle commune au cinéma des années soixante, qui aimait présenter, confronter dans une même séquence passé et présent ,expérimentation qui n’est jamais réapparue dès lors, et c’est sans doute dommage.
La faute en incombe t-elle seulement aux producteurs et aux distributeurs devenus aujourd’hui si frileux, ou le public se serait-il lassé de ces inventions parfois artificielles ou trop formelles ?
Rien n’est sur.
Cependant,l comme toujours, celle-ci ont été absorbées, intégrées, socialisés par les téléfilms qui distillé ces inventions au point de les intégrer à leur structure scénaristique, à leur bible, à leur mode d’exposition de leur personnage
Toutefois, souvent américains ceux-ci ont plus souvent recours aux modes du flash-back qui vise à expliquer sur un mode analytique les liens de causalité entre un passé et un présent, comme un recours à la fatalité, qu’à d’autres modes d’exposition, de présentation du récit qui est en germe ici dans ce film.
Gageons que linéarisé, ce film unique perdrait de sa dynamique.
, et aussi l’histoire de cette expérience scientifique qui consiste à renvoyer dans son passé un homme qui a tenté de se suicider après un amour déçu perdrait nettement de son intérêt.
Ce serait un film linéaire.
Peut-être faudrait interroger le contexte d’apparition, les circonstances qui a contribué à l’émergence de cette notion de déconstruction du récit tant dans sa forme littéraire que cinématographique, et l’intrication des deux domaines, car souvent un style, ou une création définit une époque, et une époque définit une création, mais c’est une autre histoire.
Intéressons-nous plutôt à ce qui forme l’essentiel et l’intérêt crucial de ce film qui nous laisse circonspect et songeur, et nous rend plus conscient de nous-même.
En fait, ce qui semble former la clef de voûte de cette continuité, discontinuité c’est la mise en exergue des temps morts d’une vie, intention artistique et d’écriture qu’avait formulé l’écrivain de Science fiction Sternberg , (qui a écrit pas pour ce film pas moins de 500 fragments de petites scènes que Resnais a ou non choisies et élues, selon quels critères, nous ne le saurons jamais) c’est aussi la mise en exergue des rapports imprévisibles entre des scènes éclatées, dispersées dont nous ne percevons que les collages, les surfaces de contact, les rapprochements, les chocs des sons et des voix parfois douces, parfois criaillantes.
Une scène très drôle, une des premières, filmées en Méditerranée nous montre Claude Ridder joué donc par Claude Rich, un peu maigrelet, sortant de l’eau à sept ou huit reprise, - la scène est rééitérée jusqu’à épuisement, tirant celle-ci jusqu’à la dérision, forçant au comique de répétition, avec son masque sur le nez, et répondant à la question banale de sa compagne : « Alors tu as pêché quelque chose » , et lui de répondre la rejoignant « oui j’ai eu des araignées de mer et quelques crabes », et puis au fil des répétitions le récit devient de plus en plus incohérent.
Tout cela, tout ce désordre pourtant savamment pensé, élaboré crée un trouble profond en nous, car toujours et encore telles les petites souris de laboratoire, nous tentons de recomposer, de formuler une idée de récit, de reformuler dans un ordre chronologique les pans de la biographie de Claude Ridder, regroupant seize ans d’une existence inintéressante, parce que banale ; existence aussi instable que vélléitaire.
Considérons aussi que « je t’aime, je t’aime » scandé par cette musique inquiétante de Pederencki, marqué par ce rouge qui apparaît en tache, en signes tout au long du récit depuis le générique jusqu’aux couvres-lit, et aux taches du suicidé est un film d’une rare incongruité qui imprime au spectateur une forme de désespérance.
La belgitude
Il est une autre originalité dans ce projet artistique employant un écrivain Belge tel que Sternberg, qui est de montrer au cinéma la complexité de la Belgique, son contexte artistique, ses paysages et ses intérieurs souvent mochards, mais ce sont les choix de Resnais qui ont incliné vers ce versant.
Exposant subtilement, d’une part les antagonismes d’une Belgique schizophrène, partagée entre deux communautés, atteinte en son cœur par les soubresauts d’une occupation allemande mal digérée, et minée par la politique de compromission avec l’ennemi, et tendant d’autre part à rendre hommage à la belgitude et au surréalisme belge, auquel on peut associer les figures de Jean Ray, l’auteur de Dick Tracy, Marien, ou Delvaux.
Cela est visible dans les inscriptions bi -lingues qui apparaissent sur le linteau de cet étrange hôpital qui ressemble à une sorte d’usine peinte de blanc et violemment éclairée, cela aussi est perceptible dans la rigidité gutturale de cette langue flamande parlée par ces techniciens médecins aux impeccables blouses blanches qui apparemment épouvantait Sternberg.
Cela est perceptible, dans ces scènes extérieures montrant des plages d’Ostende, montrant des villes comme Louvain ou Bruxelles, et leurs ramifications complexes sillonnées par les tramways jaunâtres, par des voitures jaunâtres, puis dans les intérieurs présentant deux hôpitaux massifs, blancs, visiblement ripolinés de frais qui ressemblent beaucoup aux mystérieuses architecture de Delvaux, éclairés par cette lumière douce et pleurante, (ou au contraire crépusculaire chez Delvaux) sur les galons jaunâtres eux aussi, sur les murs blancs, sur les reliefs géométriques et sur les corps.
A cet égard, cette scène ou Claude Ridder s’inscrit en marchant lentement dans le cadre que forme ces couloirs plafonné de portique de béton, dans le point de mire d’une perspective rigide, dans d’interminables dédales s’apparente un peu à du Delvaux ou à ce lointain parent italien Chirico.
Parallèlement à ces hommages ou emprunts, il en est d’autres qui rappellent à nous les anticipations des comics que lisait Resnais et dont il s’est fatalement souvenu : « le voyage dans une pièce de monnaie », quand par exemple Brick Bradford revenait subitement et avant l’heure de son aventure avant que les scientifiques n’aient quitté le laboratoire.
Certains autres citeraient Twice Alice.
Ce film nous imprègne de son étrange sensorialité qui met tous nos sens en éveil : l’aspect tactile et mou de cette grotte, matrice qui accueille le corps de cet homme devenu sujet d’expérimentation, les saccades perpétuelles tout droit sorties d’un cauchemar de ces scènes discontinues, s’étalant, se répétant tels des colonnades à perte de vue.
Cependant, force est de constater que ce film n’agit pas comme un bon lénifiant mais qu’il nous éprouve à chaque seconde, éprouve notre réactivité, cet ébranlement est heureusement pondéré par un humour sous –jacent qui fait mentir le sens des images et nous détache de leur impeccable lissé.
Le jeu constant sur les mots, sur les situations, sur une sorte nouveau langage qui rejoint les formulations d’Adamov( délaissées aujourd’hui par le théâtre contemporain qui a privilégié Becket et Ionesco) sur les possibilités de moduler un récit à sa guise.
Ah, le monteur à sa table qui joue et assemble toutes ces images…
D’autre part, si ce film ne nous procure aucun espoir, c’est aussi à cause ou plutôt par la présence de cette actrice qui nous semble ailleurs sans cesse : Olga Georges Picot dont nous connaissons le triste dessein, dont les lignes de fuite du regard nébuleux, dont le visage formant une sorte de masque impénétrable, dont les gestes violents nous glacent.
De même, l’histoire de cet homme suicidé ne nous force pas à nous identifier à cette histoire mais nous en éloigne plutôt, comme nous en éloigne cette apparition d’un médecin déguisé en un étrange animal à la tête vert émeraude.
Ce film singulier, aussi beau que difficile à regarder nous incite enfin à penser que des films aussi magnifiques qu’intelligents comme « Providence « et « Mon oncle d’Amérique » ne sont pas nés de nulle part, que d’autres expériences les ont précédées.
A cet égard, » je t’aime je t’aime » par ses aspects cliniques, désensiblisés, par ces réitérations de récit et de scènes banales de bonheur et de désespoirs, de scénette de travail, ici on assiste à la progression, à l’ascension sociale d’un commis de libraire ? par ces inventions, par ces permutations nous interroge aussi sur nos propres névroses, sur nos temporalités inachevées, décalées sur les temps différés de nos consciences, mais plus que nul autre, c’est un objet précieux qui nous documente sur une époque révolue ; espèce de récit biographique sinueux, complexe, un de premiers récits aléatoire, dispersé, parent de la Jetée qui anticipait de par sa nature hétérogène, de par son contenu sur les modalités de construire un récit, sur les navigations hypermédias qui insensiblement mais sûrement ont modifié, puis façonné nos schèmes de perception, nos rapports à autrui, la manière de façonner nos images dans notre tête.
A cet égard, l’archivage thématique, nominaliste de petits fragments de vidéos que tout un chacun regarde, indexé sur le verbe et non sur des typologies l’image ; archivage sur You tube ou Daily Motion reflète l’influence ces nouveaux modes de pensée qu’a projeté à son époque ce film déconcertant.
lundi 11 février 2008
HOTEL, de Jessica Hausner, 35 MM, COULEUR,82 mn, 2004, Autriche.
Thomas Bernard avait coutume de décrire dans ses diatribes la vie des grands hôtels viennois et des petites auberges insalubres du Waldviertel tenus par des alcooliques ou par des gens mielleux qui ont souvent fait le lit du nazisme.
Ancienne assistante de Michael Hanneke sur l’effroyable et un peu gratuit Funny Games, Jessica Hausner s’emploie aujourd’hui à décrire ce microcosme, cet univers si paisible en apparence tout en affleurant aux marges du fantastique.
Majestueux paradoxe.
Pourtant, analyser ce film c’est d’abord s’attarder sur les apparences et le décor et l’histoire qu’il campe : l’histoire d’une jeune hôtesse d’accueil qui surgit dans un hôtel perché sur un flanc de montagne, au moment même ou des enquêteurs recherche celle qui l’a précédée et qui a mystérieusement disparu : une certaine Eva Stein.
Il y a d’abord ces apparences mais c’est sans doute dans son invisible : présence d’un point de vue d’un intrus qui fait irruption, ouvre une brèche de manière subreptice dans la réalité diégétique : est ce seulement le regard du spectateur qui est partie prenante dans ce dispositif ?
J’ai pensé à deux choses en voyant ce film : ce film est une sorte de tableau abstrait, ou une métaphore du fondu au noir.
Apparition de la serveuse ouverture au noir. Disparition de la serveuse de son plan dimensionnel que renforcent la verticalité de ces étranges pins taillés tels des poteaux téléphoniques : fondu au noir.
La leçon de modernité donnée par ce film tient en trois points : Le choix du décor, la bande sonore, la mise en forme du récit par une raréfaction des points de vue dans une relative économie de moyen.
Le choix du décor : il s’agit d’un hôtel qui ressemble à tous les hôtels du monde, rien ne le distingue des autres, même fonctionnalité, même commodités mêmes couloirs, mêmes portes.
Depuis les années 30, qui conféraient au décor une place équivalente, pour ne pas dire supérieure à celles des comédiens, il est courant d’associer à l’hôtel une idée de cinéma, ou de théâtre (le passage et le flux des visiteurs entraînant nécessairement dialogues, dynamique et situation) et oser relever le défi de revivifier cette thématique demandait une certaine dose de perspicacité et d’invention.
En tout et pour tout dans le film, nous ne verrons qu’une cave et son long couloir éclairés au néon, un guichet d’accueil, un couloir de passage à la gauche duquel s’impose une fenêtre qui donne sur une piscine, une chambre, une discothèque, une piste de danse et quelques extérieurs.
L’espace semble avoir été vidé de tout élément superfétatoire : peu de tableaux, peu de tapis, peu d’accessoires, pour céder la place à l’installation d’une émotion : un parfum d’étrange et de fantastique qui n’est pas sans rappeler le travail de Jacques Tourneur, même si ici d’étranges plans d’inserts rendent ce récit incongrus, et confinent ce film à une forme d’abstraction et interroge les signes de la modernité : nature morte d’un stylo bille sur un calepin, interrupteur, signaux, quand Tourneur, lui faisait appel aux ressources du hors champ pour terrifier le spectateur.
Une parfaite unité de lieu où se noue une sorte de faux drame dont nous semblons être les protagonistes.
La bande sonore intègre des dialogues plats et factuels qui rendent compte des échanges entre la direction et le personnel mais leurs tons et lenteurs factices, neutralité influent sur notre perception du récit fictionnel, ou du moins confèrent eux aussi l’ensemble des images à une forme d’ abstraction.
Comme une forme de récit qui semble parfois post-synchronisé, comme si la bande son ne collait pas exactement avec la réalité des images, et en faisait mentir l’aspect documentaire ou plutôt faussement réaliste.
De même, on entendra les tonitruances d’une sirène, les grésillements inquiétants ou plutôt les crachouillis d’un haut-parleur défaillant, accolés à des pans de musique techno, et techno folklorique ou aux pulsations d’une soufflerie.
Cette construction sonore, cette partition, ou les dialogues semblent être réduits à leur stricte fonctionnalité : aspect d’information : « Bienvenue à l’hôtel des pins », « Plaintes et jérémiades pour un vol d’un petit bijou entre des employés, organisation d’une fête aux jeux de lumière automatisés à destination de retraités, où s’affirme la mécanicité » humaine » des technologies suscite en nous un profond trouble, comme un renversement de l’ordre établi, tel le triomphe des objets sur l’animé et le vivant.
La raréfaction des points de vue contribue aussi au climat d’angoisse généré par ce film.
Que voyons-nous constamment à l’écran ? Que peut-on en déduire ?
Il s’agit peu ou prou d’une présentation sur l’écran de la longue journée d’une jeune serveuse aux gestes raides, tandis que sa silhouette gracile s’inscrit continûment, journellement, dans le point de mire des perspectives infinies des couloirs qu’elle arpente ou dans laquelle elle s’ancre.
Dans le cours de l’action, Il y a bien sûr quelques rencontres de poids : celle avec son ami, celle avec sa jeune collègue de boulot, et les discussions qui se tissent avec sa patronne et le patron, mais l’ensemble des points de vue du film semble se focaliser autour et depuis le regard de la jeune femme jouée par Franziska Weisse.
Cependant, il arrive qu’un point de vue extérieur à ce point de vue, à cette circularité générés par cette unité de lieu et cette focalisation sur le personnage principal, sur son regard qui semble souvent se, nous promener tel un hamster dans sa roue, répétant les mêmes gestes, les mêmes activités nous éclaire et nous entraîne aux lisières du fantastique.
Nous avons vu cette première approche de l’analyse, mais une problématique ou un questionnement plus complexe semble lui être sous-jacente, c’est la manière dont la sexualité est évoquée ou suggérée au spectateur.
Nous avons d’abord des plans de nudité vus de dos, plan à la fois voyeurs mais en fait aussi furtif que pudique sur la jeune fille qui se déshabille,puis, qui nage en déployant toute son énergie, mais c’est un champ contrechamp qui nous éclaire sur les visées de la réalisatrice.
Champ- contre-plongée : La jeune femme vêtue d’une croix et d’une chemise bleue bien repassée, jeune fille parangon de la bonne petite catholique qui porte d’ailleurs sa petite croix autour de son cou, et contrechamp, on voit sa main qui consulte un prospectus montrant une fameuse grotte, célèbre grotte des environs dont, nous spectateur nous ne percevons que la stricte béance, une sorte de trou noir, évocateur d’une autre béance…
L’effet et l’association de ces deux plans est aussi simple que saisissant, et bien plus subtil que la scène de caresses intimes dans l’automobile, entre le jeune homme conduisant et son amie qu’il doit ramener à son hôtel.
Néanmoins elle érotise, dynamise un récit en lui apportant un peu de piment.
Après tout, c’est le bois dont le spectateur se chauffe.
Ce champs contrechamps annonce la visite de la grotte, dans laquelle la jeune fille s’infiltrera au point de disparaître temporairement de l’écran, et surtout la scène finale qui verra cette jeune fille disparaître littéralement et physiquement de l’écran se confondant avec l’alignement des pins éclairés de manière blafarde, industrielle, et sinistre.
Surprise de taille.
Nous comprendrons par un échange qui paraît être la duplication de la scène d’exposition que la jeune fille qui possède la même morphologie et sensiblement les mêmes traits n’est autre que la réplique exacte de celle qui vient de disparaître.
Répétition du parangon.
La boucle est bouclée.
Seule ponctuation, ironique à ce récit cette petite musique guillerette nous détache de ce cauchemar où pourtant, rien ne s’est vraiment passé ni d’horrifiant ou de ténébreux.
C’est bien à nos sens, à notre cerveau reptilien, et notre goût de l’angoisse, à nos peurs primaires que la réalisatrice a fait appel plus qu’à d’autres artifices.
Toutefois, la réalisatrice s’est brillamment affranchie des contraintes qu’elles s’étaient posées et a réalisé un film singulier, intriguant et dérangeant parce qu’il suscite autant de répulsions que d’attirance : fascination pour ce décor qui s’apparente à un archétype d’hôtel, avec ces longs couloirs, ces escaliers, ces lumières artificielles et réflexion sur le cinéma quand il prend pour objet de filmage cette figure humaine menacée de dissolution, d’absorption.
Ancienne assistante de Michael Hanneke sur l’effroyable et un peu gratuit Funny Games, Jessica Hausner s’emploie aujourd’hui à décrire ce microcosme, cet univers si paisible en apparence tout en affleurant aux marges du fantastique.
Majestueux paradoxe.
Pourtant, analyser ce film c’est d’abord s’attarder sur les apparences et le décor et l’histoire qu’il campe : l’histoire d’une jeune hôtesse d’accueil qui surgit dans un hôtel perché sur un flanc de montagne, au moment même ou des enquêteurs recherche celle qui l’a précédée et qui a mystérieusement disparu : une certaine Eva Stein.
Il y a d’abord ces apparences mais c’est sans doute dans son invisible : présence d’un point de vue d’un intrus qui fait irruption, ouvre une brèche de manière subreptice dans la réalité diégétique : est ce seulement le regard du spectateur qui est partie prenante dans ce dispositif ?
J’ai pensé à deux choses en voyant ce film : ce film est une sorte de tableau abstrait, ou une métaphore du fondu au noir.
Apparition de la serveuse ouverture au noir. Disparition de la serveuse de son plan dimensionnel que renforcent la verticalité de ces étranges pins taillés tels des poteaux téléphoniques : fondu au noir.
La leçon de modernité donnée par ce film tient en trois points : Le choix du décor, la bande sonore, la mise en forme du récit par une raréfaction des points de vue dans une relative économie de moyen.
Le choix du décor : il s’agit d’un hôtel qui ressemble à tous les hôtels du monde, rien ne le distingue des autres, même fonctionnalité, même commodités mêmes couloirs, mêmes portes.
Depuis les années 30, qui conféraient au décor une place équivalente, pour ne pas dire supérieure à celles des comédiens, il est courant d’associer à l’hôtel une idée de cinéma, ou de théâtre (le passage et le flux des visiteurs entraînant nécessairement dialogues, dynamique et situation) et oser relever le défi de revivifier cette thématique demandait une certaine dose de perspicacité et d’invention.
En tout et pour tout dans le film, nous ne verrons qu’une cave et son long couloir éclairés au néon, un guichet d’accueil, un couloir de passage à la gauche duquel s’impose une fenêtre qui donne sur une piscine, une chambre, une discothèque, une piste de danse et quelques extérieurs.
L’espace semble avoir été vidé de tout élément superfétatoire : peu de tableaux, peu de tapis, peu d’accessoires, pour céder la place à l’installation d’une émotion : un parfum d’étrange et de fantastique qui n’est pas sans rappeler le travail de Jacques Tourneur, même si ici d’étranges plans d’inserts rendent ce récit incongrus, et confinent ce film à une forme d’abstraction et interroge les signes de la modernité : nature morte d’un stylo bille sur un calepin, interrupteur, signaux, quand Tourneur, lui faisait appel aux ressources du hors champ pour terrifier le spectateur.
Une parfaite unité de lieu où se noue une sorte de faux drame dont nous semblons être les protagonistes.
La bande sonore intègre des dialogues plats et factuels qui rendent compte des échanges entre la direction et le personnel mais leurs tons et lenteurs factices, neutralité influent sur notre perception du récit fictionnel, ou du moins confèrent eux aussi l’ensemble des images à une forme d’ abstraction.
Comme une forme de récit qui semble parfois post-synchronisé, comme si la bande son ne collait pas exactement avec la réalité des images, et en faisait mentir l’aspect documentaire ou plutôt faussement réaliste.
De même, on entendra les tonitruances d’une sirène, les grésillements inquiétants ou plutôt les crachouillis d’un haut-parleur défaillant, accolés à des pans de musique techno, et techno folklorique ou aux pulsations d’une soufflerie.
Cette construction sonore, cette partition, ou les dialogues semblent être réduits à leur stricte fonctionnalité : aspect d’information : « Bienvenue à l’hôtel des pins », « Plaintes et jérémiades pour un vol d’un petit bijou entre des employés, organisation d’une fête aux jeux de lumière automatisés à destination de retraités, où s’affirme la mécanicité » humaine » des technologies suscite en nous un profond trouble, comme un renversement de l’ordre établi, tel le triomphe des objets sur l’animé et le vivant.
La raréfaction des points de vue contribue aussi au climat d’angoisse généré par ce film.
Que voyons-nous constamment à l’écran ? Que peut-on en déduire ?
Il s’agit peu ou prou d’une présentation sur l’écran de la longue journée d’une jeune serveuse aux gestes raides, tandis que sa silhouette gracile s’inscrit continûment, journellement, dans le point de mire des perspectives infinies des couloirs qu’elle arpente ou dans laquelle elle s’ancre.
Dans le cours de l’action, Il y a bien sûr quelques rencontres de poids : celle avec son ami, celle avec sa jeune collègue de boulot, et les discussions qui se tissent avec sa patronne et le patron, mais l’ensemble des points de vue du film semble se focaliser autour et depuis le regard de la jeune femme jouée par Franziska Weisse.
Cependant, il arrive qu’un point de vue extérieur à ce point de vue, à cette circularité générés par cette unité de lieu et cette focalisation sur le personnage principal, sur son regard qui semble souvent se, nous promener tel un hamster dans sa roue, répétant les mêmes gestes, les mêmes activités nous éclaire et nous entraîne aux lisières du fantastique.
Nous avons vu cette première approche de l’analyse, mais une problématique ou un questionnement plus complexe semble lui être sous-jacente, c’est la manière dont la sexualité est évoquée ou suggérée au spectateur.
Nous avons d’abord des plans de nudité vus de dos, plan à la fois voyeurs mais en fait aussi furtif que pudique sur la jeune fille qui se déshabille,puis, qui nage en déployant toute son énergie, mais c’est un champ contrechamp qui nous éclaire sur les visées de la réalisatrice.
Champ- contre-plongée : La jeune femme vêtue d’une croix et d’une chemise bleue bien repassée, jeune fille parangon de la bonne petite catholique qui porte d’ailleurs sa petite croix autour de son cou, et contrechamp, on voit sa main qui consulte un prospectus montrant une fameuse grotte, célèbre grotte des environs dont, nous spectateur nous ne percevons que la stricte béance, une sorte de trou noir, évocateur d’une autre béance…
L’effet et l’association de ces deux plans est aussi simple que saisissant, et bien plus subtil que la scène de caresses intimes dans l’automobile, entre le jeune homme conduisant et son amie qu’il doit ramener à son hôtel.
Néanmoins elle érotise, dynamise un récit en lui apportant un peu de piment.
Après tout, c’est le bois dont le spectateur se chauffe.
Ce champs contrechamps annonce la visite de la grotte, dans laquelle la jeune fille s’infiltrera au point de disparaître temporairement de l’écran, et surtout la scène finale qui verra cette jeune fille disparaître littéralement et physiquement de l’écran se confondant avec l’alignement des pins éclairés de manière blafarde, industrielle, et sinistre.
Surprise de taille.
Nous comprendrons par un échange qui paraît être la duplication de la scène d’exposition que la jeune fille qui possède la même morphologie et sensiblement les mêmes traits n’est autre que la réplique exacte de celle qui vient de disparaître.
Répétition du parangon.
La boucle est bouclée.
Seule ponctuation, ironique à ce récit cette petite musique guillerette nous détache de ce cauchemar où pourtant, rien ne s’est vraiment passé ni d’horrifiant ou de ténébreux.
C’est bien à nos sens, à notre cerveau reptilien, et notre goût de l’angoisse, à nos peurs primaires que la réalisatrice a fait appel plus qu’à d’autres artifices.
Toutefois, la réalisatrice s’est brillamment affranchie des contraintes qu’elles s’étaient posées et a réalisé un film singulier, intriguant et dérangeant parce qu’il suscite autant de répulsions que d’attirance : fascination pour ce décor qui s’apparente à un archétype d’hôtel, avec ces longs couloirs, ces escaliers, ces lumières artificielles et réflexion sur le cinéma quand il prend pour objet de filmage cette figure humaine menacée de dissolution, d’absorption.
vendredi 8 février 2008
DIALOGUE POUR DEUX FRELONS, de Jocelyn Le Creurer , 18', 16MM Couleur, 2003.
Film produit avec le concours du Fresnoy, studio national,
remerciements spéciaux au National Trust ( Grande Bretagne, Prior Park, Bath)
Présenter son propre film et vouloir témoigner de son processus n’est pas si évident d’abord parce que le rapport de proximité et d’affection à l’objet réalisé créé biaise quelque peu les perspectives et l’appréhension de notre analyse.
Cependant, il est possible de distinguer deux particularités dans ce film qui a porté mon désir de cinéma.
Dialogue pour deux frelons est un drame intimiste ( Dans le registre du Kammerspiel ou théâtre de chambre) résolument contemporain, basé d’une part sur le choix de la topographie d’un lieu clef de l’Angleterre, Prior Park à Bath, entre Bristol et Cardiff. qui forme le décor et agit telle la surface de projection des rêves du personnages principal, et s’appuie d’autre part sur la prestation de deux acteurs d’exception LOU CASTEL, et NATALIE ROYER dont l’affrontement tacite , dialogué ou monologué est suggéré plus que montré.
Evidemment le sujet peut déconcerter : l’histoire d’un homme de soixante dix ans ayant étudié toute sa vie l’œuvre de Williams Chambers ( 1724-1794), père de l’architecture paysagère anglaise qui se querelle avec sa jeune compagne alors qu’il n’en a plus que pour quelques mois à vivre.
Mais le traitement et la mise en scène, l’écart et l’échange entre deux types d’images des extérieurs oniriques et des intérieurs vides et blancs, visent non pas à égarer l’entendement mais à construire des distances révélant l’emprisonnement narratif des fictions et des images.
Effet de surprise. Ce paysage étrange et mirifique qui apparaît dès le début du film apparaît (tel que j’avais pu l’envisager et souhaité dès mon projet initial) , c'est-à-dire comme une sorte de tissus ou de voile condensant, catalysant les rêves et les désirs de cet homme ; apaisante pause où le temps ne semble plus avoir cours, mais où l’espace triomphe : pure sensation spatiale redoublée par la reprise d’un panoramique à 360 degrés.
Ensuite, l’essentiel réside surtout dans ces rapports entre ces deux personnages aussi ambigu que névrotique, tendu entre des silences qui creusent le film d’un malaise profond, un monologue qui éclaire et densifie une séquence déjà angoissante, et une post-synchronisation qui déréalise les images.
Dans Dialogue pour deux frelons, la psychologie n’a aucune part, ce sont les comportements qui priment ; au cours du tournage, il s’agissait d’obtenir des dissonances en combinant plusieurs éléments, dont le choc allait provoquer entre eux une infinité de rapports : les décors, et les dialogues, les situations et les comportements, les sons et les couleurs, les intertitres et la poésie anglaise.
Plastiquement, ce film vaut aussi qu’on s’y arrête, la qualité des couleurs, leur juxtaposition ne visent pas à quelque recherche d’une picturalité -qui dessert un film plus souvent qu’il ne le sert, mais à des disséminations signifiantes de taches de couleur dans un espace qui informent le spectateur d’une réalité et du vécu, de la biographie du héros principal : Charles Gambler.
De même, le décor d’une réserve d’un musée de beaux-arts constituée de socles renvoie aux
soubassements de sa pratique architecturale qui vise à une forme de monumentalisation.
Force est de considérer que la plupart de ces signes qui ont été trouvés sont le fruit du hasard, non pas dans une forme de préméditation mais dans une forme d’écoute attentive au sujet, comme si le propos avait trouvé là sa nécessité, confronté à des contraintes fortes, à une forme de non-savoir et inventant sans cesse, multipliant les bonnes cartes sorties du jeu de Charles Gambler ou du travail d’écriture préalable.
On peut même affirmer que c’est dans son éclatement, dans son hétérogénéité, dans sa recherche plastique et textuelle, dans cette volonté de rompre avec les affirmations péremptoires des règles techniques immuables qui rendent le cinéma désormais si figé ( Alternance des Champ, contre-champ, volonté d’une continuité, d’une linéarité)que Dialogue pour deux frelons s’affirme comme un objet autonome et plastique et s’inscrit comme un jalon prometteur dans des recherches filmiques à venir.
samedi 2 février 2008
ROOM CONVERSATION , DORA GARCIA , VIDEO PAL. 31'
Montrée dans le cadre des présentations des nouvelles acquisitions du Plateau ( Frac Ile de France), une vidéo sort du lot, non par la débauche des moyens ou des effets déployés, mais par son originalité et les questionnement féconds qu’elle génère, dans la continuité de la pensée de Foucault dans « Surveiller Punir », qui témoignait de l’influence des technologies de surveillance sur le corps.
Cette vidéo intégrée dans une œuvre, sorte de cube d’acier poli et de verre, oeuvre de Laurent Grasso qui la contient, s’apparente à une tentative d’investigation du réel par le biais de deux modalités, d’une part la vidéo Dv qui présente et assemble des plans d’ intérieurs et d’extérieurs, d’autre part, une forme de récit à tonalité théâtrale ou alternent sur des images noires sous-titrées un monologue puis la voix posée d’une femme, puis la voix d’un homme l’interrogeant ; voix dont la gravité, le timbre fait figure d’autorité,( comme n’importe quelle voix off dans une publicité).
Plus tard coïncidant avec leur apparition , un dialogue et une action se noueront entre eux dans la pièce d’un appartement meublé de manière fruste : un canapé d’un vert cru à rayures et un fauteuil de la même couleur avec des rayures, une table de plastique.
Le tout imite peut-être le style de mobilier produit autrefois en Allemagne de l’est ( C’est ce que semble indiquer la mention répétée WSB porté par le commentateur dans son discours qui refléter un mode de mobilier standard en vigueur à cette époque).
Si nous évoquons ce contexte, c’est qu’il n’est fait nulle part mention par quelque carton que ce soit ou indication de la localisation des prises de vue et des lieux de tournage, et que ce choix nous déroute, mais très rapidement, rien qu’à l’aspect monosyllabique des deux voix allemande, à quelques mots prononcés qui nous sont familiers, il nous est facile de comprendre que cette pièce a trait à l’histoire allemande elle-même. D’ailleurs, la configuration des bâtiments filmés, leur mode de construction, le site de cette construction proprement dit, nous apprennent plus que n’importe quel discours ou dialogue échangé.
Ce que nous voyons, de prime abord ce sont des bâtiments de béton qui ressemblent à tout ce qui s’est construit dans les années 60 ou soixante dix ,sous forme de plan en plongée, soit sous la forme de plan moyens.
Tout le reste, et l’ensemble de la vidéo après une suite de vues extérieures se joue dans un intérieur éclairé par la lumière du jour qui pénètre par fenêtre venant de face. Vidéo dans laquelle ou sur laquelle un commentateur dont la voix semble faire office de discours dominant, surplombe celle de deux acteurs qui jouent une pièce devant une caméra posée devant eux en un plan fixe immuable qui assure par sa fixité une sorte de stabilité dans le récit, et la surplombe au point de décrire avec une minutie clinique l’ensemble des objets et des corps présents dans cette pièce banale.
Cette description minutieuse semble vouloir adhérer totalement à l’objet de sa description au point de la vider de toute sa substance et de la transformer en un objet abstrait, comme une sorte de figure d’un discours, comme une tentative d’exhaustivité d’un lieu.
Ces problématiques rejoignent celles déployées par Pérec dès les années 60, enrichies par le travail dramaturgique de Philippe Myniana..
Plus tard, entre les deux protagonistes s’instaurera une conversation ou l’une informera l’autre d’une réalité cachée et mystérieuse.
Quels secrets se cachent derrière ces mots à double entente qui sont prononcés ?
Si l’on analyse la mise en scène,les acteurs semblent avoir été entraînés au préalable à jouer avec les bords du cadre, ou à penser leur présence de dos ou de face.
Force est de constater que le dispositif mis en place ne semble pas avoir été pensé à la légère et qu’une sorte de contrainte y est constamment à l’œuvre tant dans la place octroyée aux acteurs,que dans leur déplacements, ingénieuse chorégraphie, que dans le texte qu’ils semblent réciter .
Acteurs qui font acte de présence comme dans une espèce de réunion et par les questionnements incessants, allusifs et intrusifs qui forment l’essentiel de l’action de la séquence principale et qui installe cette atmosphère un peu nauséeuse et délétère.
Cette atmosphère crée ou recrée est censée reproduire les réunions qu’entretenaient les agents de la Stasi dans l’ex Allemagne de l’est, dans des immeubles similaires, dans des pièces similaires.
Avec des moyens minimaux, avec une image simple alternant vue d’extérieurs et d’ intérieurs, Room Conversation élabore une description critique de situations historique et reflète le climat de surveillance et d’inquiétude qui a eu cours pendant de longues années en Allemagne de l’est.
Cependant, difficile de réduire cet objet réflexif et captivant à sa simple question historique, peut-être faut-il y voir une mise en abyme des questions passées avec nos problématiques contemporaines qui interrogent la confrontation de la rhétorique visuelle de l’architecture réduites à des signes proliférant dans un espace avec les figures de la rhétorique verbale, jusqu’à l’inflation et à la saturation.
Vases communicants.
Cette vidéo intégrée dans une œuvre, sorte de cube d’acier poli et de verre, oeuvre de Laurent Grasso qui la contient, s’apparente à une tentative d’investigation du réel par le biais de deux modalités, d’une part la vidéo Dv qui présente et assemble des plans d’ intérieurs et d’extérieurs, d’autre part, une forme de récit à tonalité théâtrale ou alternent sur des images noires sous-titrées un monologue puis la voix posée d’une femme, puis la voix d’un homme l’interrogeant ; voix dont la gravité, le timbre fait figure d’autorité,( comme n’importe quelle voix off dans une publicité).
Plus tard coïncidant avec leur apparition , un dialogue et une action se noueront entre eux dans la pièce d’un appartement meublé de manière fruste : un canapé d’un vert cru à rayures et un fauteuil de la même couleur avec des rayures, une table de plastique.
Le tout imite peut-être le style de mobilier produit autrefois en Allemagne de l’est ( C’est ce que semble indiquer la mention répétée WSB porté par le commentateur dans son discours qui refléter un mode de mobilier standard en vigueur à cette époque).
Si nous évoquons ce contexte, c’est qu’il n’est fait nulle part mention par quelque carton que ce soit ou indication de la localisation des prises de vue et des lieux de tournage, et que ce choix nous déroute, mais très rapidement, rien qu’à l’aspect monosyllabique des deux voix allemande, à quelques mots prononcés qui nous sont familiers, il nous est facile de comprendre que cette pièce a trait à l’histoire allemande elle-même. D’ailleurs, la configuration des bâtiments filmés, leur mode de construction, le site de cette construction proprement dit, nous apprennent plus que n’importe quel discours ou dialogue échangé.
Ce que nous voyons, de prime abord ce sont des bâtiments de béton qui ressemblent à tout ce qui s’est construit dans les années 60 ou soixante dix ,sous forme de plan en plongée, soit sous la forme de plan moyens.
Tout le reste, et l’ensemble de la vidéo après une suite de vues extérieures se joue dans un intérieur éclairé par la lumière du jour qui pénètre par fenêtre venant de face. Vidéo dans laquelle ou sur laquelle un commentateur dont la voix semble faire office de discours dominant, surplombe celle de deux acteurs qui jouent une pièce devant une caméra posée devant eux en un plan fixe immuable qui assure par sa fixité une sorte de stabilité dans le récit, et la surplombe au point de décrire avec une minutie clinique l’ensemble des objets et des corps présents dans cette pièce banale.
Cette description minutieuse semble vouloir adhérer totalement à l’objet de sa description au point de la vider de toute sa substance et de la transformer en un objet abstrait, comme une sorte de figure d’un discours, comme une tentative d’exhaustivité d’un lieu.
Ces problématiques rejoignent celles déployées par Pérec dès les années 60, enrichies par le travail dramaturgique de Philippe Myniana..
Plus tard, entre les deux protagonistes s’instaurera une conversation ou l’une informera l’autre d’une réalité cachée et mystérieuse.
Quels secrets se cachent derrière ces mots à double entente qui sont prononcés ?
Si l’on analyse la mise en scène,les acteurs semblent avoir été entraînés au préalable à jouer avec les bords du cadre, ou à penser leur présence de dos ou de face.
Force est de constater que le dispositif mis en place ne semble pas avoir été pensé à la légère et qu’une sorte de contrainte y est constamment à l’œuvre tant dans la place octroyée aux acteurs,que dans leur déplacements, ingénieuse chorégraphie, que dans le texte qu’ils semblent réciter .
Acteurs qui font acte de présence comme dans une espèce de réunion et par les questionnements incessants, allusifs et intrusifs qui forment l’essentiel de l’action de la séquence principale et qui installe cette atmosphère un peu nauséeuse et délétère.
Cette atmosphère crée ou recrée est censée reproduire les réunions qu’entretenaient les agents de la Stasi dans l’ex Allemagne de l’est, dans des immeubles similaires, dans des pièces similaires.
Avec des moyens minimaux, avec une image simple alternant vue d’extérieurs et d’ intérieurs, Room Conversation élabore une description critique de situations historique et reflète le climat de surveillance et d’inquiétude qui a eu cours pendant de longues années en Allemagne de l’est.
Cependant, difficile de réduire cet objet réflexif et captivant à sa simple question historique, peut-être faut-il y voir une mise en abyme des questions passées avec nos problématiques contemporaines qui interrogent la confrontation de la rhétorique visuelle de l’architecture réduites à des signes proliférant dans un espace avec les figures de la rhétorique verbale, jusqu’à l’inflation et à la saturation.
Vases communicants.
BANDE À PART (1964), 35 MM. 97'.FRANCE
Bande à part consacre une déception.
Bande à part au même titre qu’une Femme mariée, ou une femme est une femme, ou le plat « One plus One consacré » aux Rolling Stone ressemble à un raté dans la filmographie de Godard.
Pourtant celui-ci commence tambour battant, on peut même y déceler une formidable énergie.
Energie qu’il y à montrer la ville, tantôt en plongée, puis en plan rapproché à hauteur d’homme, ses flux d’automobiles, le bruit des moteurs associé un noir et blanc, qui documente plus qu’il ne stylise et efface, élimine certains détails et nous présente cette automobile Ford et ses protagonistes fonçant droit vers de nouvelles aventures.
Energie de cette action qui démarre pour finir par tourner en rond et un peu à plat.
Qu’aurait-il fallu de plus pour que cette énergie transite en nous de manière plus durable et plus saisissante ?
Le problème ne relève peut-être pas de la bande son, toujours aussi riche et inventive, surprenante, avec ces éclats, fragments disséminés et savamment posés : bruits de radios, voix récitant ou jouant, petite voix étrangère.
On reconnaît un film de Godard à sa bande son.
C’est une des marques de fabrique de Godard depuis A bout de Souffle.
Mais Bande à Part pêche par sa mise en scène foutraque et désinvolte.
Ce n’est pas que les acteurs : Brasseur et Samy Frey soient plus mauvais les uns que les autres, mais à partir des séquences de marivaudage amoureux du cours Louis, l’action stagne définitivement, et même si un comique de gestes, de situations, de scènes répétées, de regards rythme, agrémente l’argument d’un peu de vivant.
Devant cet ensemble sans cesse en mouvement mais pourtant si figé, dans son intrigue, dans son absence de dynamique dramaturgique, de direction et d’orientation ou d’axe.
Le spectateur reste un peu sur sa fin, et a sans cesse l’impression de ne pas y trouver ce qu’il cherche chez Godard : une conception d’ensemble suffisamment étayée par des blocs aussi solides que des galets, une poésie à l’ épreuve de l’érosion du temps.
Bien sûr, il y a des trouvailles formidables : la musique de Michel Legrand qui ne ressemble pas à du Michel Legrand, les faux raccords sur les regards de chacun rappelant la séquence du générique qui entremêle vertigineusement les trois regards, comme une sorte de prémisse qui annonce les expériences clignotantes de sa période de vidéo expérimentale à Grenoble, cette visite express du Louvre, la minute de silence dans une séquence, où cette scène ou Chantal Goya contretype, contrefait une image stéréotypée de la beauté et de la jeunesse, imprimée sur le coin gauche d’ un journal devant une glace de toilettes, cette bagarre elle aussi parodiant la chorégraphie d’ une bagarre, la mort d’Arthur qui ne meurt pas et tue le possesseur du magot, et cette fin tournée à trois francs six sous tournée sans doute à l’arrachée, à l’intérieur d’un cargo et son annonce tonitruante qui rappelle un générique des Pieds nickelés.
Mais l’ensemble tourne un peu à vide : Anna Karina, dansotte, minaude, et quelque chose cloche dans l’ensemble, peut-être aussi à cause d’un manque évident de moyens : une Ford, une villa, trois comédiens et la rue, ne suffisent peut-être pas ou simplement il manque ici tout ce qui fait un Godard grand cru : une alliance d’idées fortes, saisissantes qui s’imposent à nous telles des fulgurances.
Bande à part au même titre qu’une Femme mariée, ou une femme est une femme, ou le plat « One plus One consacré » aux Rolling Stone ressemble à un raté dans la filmographie de Godard.
Pourtant celui-ci commence tambour battant, on peut même y déceler une formidable énergie.
Energie qu’il y à montrer la ville, tantôt en plongée, puis en plan rapproché à hauteur d’homme, ses flux d’automobiles, le bruit des moteurs associé un noir et blanc, qui documente plus qu’il ne stylise et efface, élimine certains détails et nous présente cette automobile Ford et ses protagonistes fonçant droit vers de nouvelles aventures.
Energie de cette action qui démarre pour finir par tourner en rond et un peu à plat.
Qu’aurait-il fallu de plus pour que cette énergie transite en nous de manière plus durable et plus saisissante ?
Le problème ne relève peut-être pas de la bande son, toujours aussi riche et inventive, surprenante, avec ces éclats, fragments disséminés et savamment posés : bruits de radios, voix récitant ou jouant, petite voix étrangère.
On reconnaît un film de Godard à sa bande son.
C’est une des marques de fabrique de Godard depuis A bout de Souffle.
Mais Bande à Part pêche par sa mise en scène foutraque et désinvolte.
Ce n’est pas que les acteurs : Brasseur et Samy Frey soient plus mauvais les uns que les autres, mais à partir des séquences de marivaudage amoureux du cours Louis, l’action stagne définitivement, et même si un comique de gestes, de situations, de scènes répétées, de regards rythme, agrémente l’argument d’un peu de vivant.
Devant cet ensemble sans cesse en mouvement mais pourtant si figé, dans son intrigue, dans son absence de dynamique dramaturgique, de direction et d’orientation ou d’axe.
Le spectateur reste un peu sur sa fin, et a sans cesse l’impression de ne pas y trouver ce qu’il cherche chez Godard : une conception d’ensemble suffisamment étayée par des blocs aussi solides que des galets, une poésie à l’ épreuve de l’érosion du temps.
Bien sûr, il y a des trouvailles formidables : la musique de Michel Legrand qui ne ressemble pas à du Michel Legrand, les faux raccords sur les regards de chacun rappelant la séquence du générique qui entremêle vertigineusement les trois regards, comme une sorte de prémisse qui annonce les expériences clignotantes de sa période de vidéo expérimentale à Grenoble, cette visite express du Louvre, la minute de silence dans une séquence, où cette scène ou Chantal Goya contretype, contrefait une image stéréotypée de la beauté et de la jeunesse, imprimée sur le coin gauche d’ un journal devant une glace de toilettes, cette bagarre elle aussi parodiant la chorégraphie d’ une bagarre, la mort d’Arthur qui ne meurt pas et tue le possesseur du magot, et cette fin tournée à trois francs six sous tournée sans doute à l’arrachée, à l’intérieur d’un cargo et son annonce tonitruante qui rappelle un générique des Pieds nickelés.
Mais l’ensemble tourne un peu à vide : Anna Karina, dansotte, minaude, et quelque chose cloche dans l’ensemble, peut-être aussi à cause d’un manque évident de moyens : une Ford, une villa, trois comédiens et la rue, ne suffisent peut-être pas ou simplement il manque ici tout ce qui fait un Godard grand cru : une alliance d’idées fortes, saisissantes qui s’imposent à nous telles des fulgurances.
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