vendredi 8 février 2008

DIALOGUE POUR DEUX FRELONS, de Jocelyn Le Creurer , 18', 16MM Couleur, 2003.


Film produit avec le concours du Fresnoy, studio national,
remerciements spéciaux au National Trust ( Grande Bretagne, Prior Park, Bath)

Présenter son propre film et vouloir témoigner de son processus n’est pas si évident d’abord parce que le rapport de proximité et d’affection à l’objet réalisé créé biaise quelque peu les perspectives et l’appréhension de notre analyse.
Cependant, il est possible de distinguer deux particularités dans ce film qui a porté mon désir de cinéma.
Dialogue pour deux frelons est un drame intimiste ( Dans le registre du Kammerspiel ou théâtre de chambre) résolument contemporain, basé d’une part sur le choix de la topographie d’un lieu clef de l’Angleterre, Prior Park à Bath, entre Bristol et Cardiff. qui forme le décor et agit telle la surface de projection des rêves du personnages principal, et s’appuie d’autre part sur la prestation de deux acteurs d’exception LOU CASTEL, et NATALIE ROYER dont l’affrontement tacite , dialogué ou monologué est suggéré plus que montré.
Evidemment le sujet peut déconcerter : l’histoire d’un homme de soixante dix ans ayant étudié toute sa vie l’œuvre de Williams Chambers ( 1724-1794), père de l’architecture paysagère anglaise qui se querelle avec sa jeune compagne alors qu’il n’en a plus que pour quelques mois à vivre.
Mais le traitement et la mise en scène, l’écart et l’échange entre deux types d’images des extérieurs oniriques et des intérieurs vides et blancs, visent non pas à égarer l’entendement mais à construire des distances révélant l’emprisonnement narratif des fictions et des images.
Effet de surprise. Ce paysage étrange et mirifique qui apparaît dès le début du film apparaît (tel que j’avais pu l’envisager et souhaité dès mon projet initial) , c'est-à-dire comme une sorte de tissus ou de voile condensant, catalysant les rêves et les désirs de cet homme ; apaisante pause où le temps ne semble plus avoir cours, mais où l’espace triomphe : pure sensation spatiale redoublée par la reprise d’un panoramique à 360 degrés.
Ensuite, l’essentiel réside surtout dans ces rapports entre ces deux personnages aussi ambigu que névrotique, tendu entre des silences qui creusent le film d’un malaise profond, un monologue qui éclaire et densifie une séquence déjà angoissante, et une post-synchronisation qui déréalise les images.
Dans Dialogue pour deux frelons, la psychologie n’a aucune part, ce sont les comportements qui priment ; au cours du tournage, il s’agissait d’obtenir des dissonances en combinant plusieurs éléments, dont le choc allait provoquer entre eux une infinité de rapports : les décors, et les dialogues, les situations et les comportements, les sons et les couleurs, les intertitres et la poésie anglaise.
Plastiquement, ce film vaut aussi qu’on s’y arrête, la qualité des couleurs, leur juxtaposition ne visent pas à quelque recherche d’une picturalité -qui dessert un film plus souvent qu’il ne le sert, mais à des disséminations signifiantes de taches de couleur dans un espace qui informent le spectateur d’une réalité et du vécu, de la biographie du héros principal : Charles Gambler.
De même, le décor d’une réserve d’un musée de beaux-arts constituée de socles renvoie aux
soubassements de sa pratique architecturale qui vise à une forme de monumentalisation.
Force est de considérer que la plupart de ces signes qui ont été trouvés sont le fruit du hasard, non pas dans une forme de préméditation mais dans une forme d’écoute attentive au sujet, comme si le propos avait trouvé là sa nécessité, confronté à des contraintes fortes, à une forme de non-savoir et inventant sans cesse, multipliant les bonnes cartes sorties du jeu de Charles Gambler ou du travail d’écriture préalable.
On peut même affirmer que c’est dans son éclatement, dans son hétérogénéité, dans sa recherche plastique et textuelle, dans cette volonté de rompre avec les affirmations péremptoires des règles techniques immuables qui rendent le cinéma désormais si figé ( Alternance des Champ, contre-champ, volonté d’une continuité, d’une linéarité)que Dialogue pour deux frelons s’affirme comme un objet autonome et plastique et s’inscrit comme un jalon prometteur dans des recherches filmiques à venir.

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