samedi 2 février 2008

ROOM CONVERSATION , DORA GARCIA , VIDEO PAL. 31'

Montrée dans le cadre des présentations des nouvelles acquisitions du Plateau ( Frac Ile de France), une vidéo sort du lot, non par la débauche des moyens ou des effets déployés, mais par son originalité et les questionnement féconds qu’elle génère, dans la continuité de la pensée de Foucault dans « Surveiller Punir », qui témoignait de l’influence des technologies de surveillance sur le corps.
Cette vidéo intégrée dans une œuvre, sorte de cube d’acier poli et de verre, oeuvre de Laurent Grasso qui la contient, s’apparente à une tentative d’investigation du réel par le biais de deux modalités, d’une part la vidéo Dv qui présente et assemble des plans d’ intérieurs et d’extérieurs, d’autre part, une forme de récit à tonalité théâtrale ou alternent sur des images noires sous-titrées un monologue puis la voix posée d’une femme, puis la voix d’un homme l’interrogeant ; voix dont la gravité, le timbre fait figure d’autorité,( comme n’importe quelle voix off dans une publicité).
Plus tard coïncidant avec leur apparition , un dialogue et une action se noueront entre eux dans la pièce d’un appartement meublé de manière fruste : un canapé d’un vert cru à rayures et un fauteuil de la même couleur avec des rayures, une table de plastique.
Le tout imite peut-être le style de mobilier produit autrefois en Allemagne de l’est ( C’est ce que semble indiquer la mention répétée WSB porté par le commentateur dans son discours qui refléter un mode de mobilier standard en vigueur à cette époque).
Si nous évoquons ce contexte, c’est qu’il n’est fait nulle part mention par quelque carton que ce soit ou indication de la localisation des prises de vue et des lieux de tournage, et que ce choix nous déroute, mais très rapidement, rien qu’à l’aspect monosyllabique des deux voix allemande, à quelques mots prononcés qui nous sont familiers, il nous est facile de comprendre que cette pièce a trait à l’histoire allemande elle-même. D’ailleurs, la configuration des bâtiments filmés, leur mode de construction, le site de cette construction proprement dit, nous apprennent plus que n’importe quel discours ou dialogue échangé.
Ce que nous voyons, de prime abord ce sont des bâtiments de béton qui ressemblent à tout ce qui s’est construit dans les années 60 ou soixante dix ,sous forme de plan en plongée, soit sous la forme de plan moyens.
Tout le reste, et l’ensemble de la vidéo après une suite de vues extérieures se joue dans un intérieur éclairé par la lumière du jour qui pénètre par fenêtre venant de face. Vidéo dans laquelle ou sur laquelle un commentateur dont la voix semble faire office de discours dominant, surplombe celle de deux acteurs qui jouent une pièce devant une caméra posée devant eux en un plan fixe immuable qui assure par sa fixité une sorte de stabilité dans le récit, et la surplombe au point de décrire avec une minutie clinique l’ensemble des objets et des corps présents dans cette pièce banale.
Cette description minutieuse semble vouloir adhérer totalement à l’objet de sa description au point de la vider de toute sa substance et de la transformer en un objet abstrait, comme une sorte de figure d’un discours, comme une tentative d’exhaustivité d’un lieu.
Ces problématiques rejoignent celles déployées par Pérec dès les années 60, enrichies par le travail dramaturgique de Philippe Myniana..
Plus tard, entre les deux protagonistes s’instaurera une conversation ou l’une informera l’autre d’une réalité cachée et mystérieuse.
Quels secrets se cachent derrière ces mots à double entente qui sont prononcés ?
Si l’on analyse la mise en scène,les acteurs semblent avoir été entraînés au préalable à jouer avec les bords du cadre, ou à penser leur présence de dos ou de face.
Force est de constater que le dispositif mis en place ne semble pas avoir été pensé à la légère et qu’une sorte de contrainte y est constamment à l’œuvre tant dans la place octroyée aux acteurs,que dans leur déplacements, ingénieuse chorégraphie, que dans le texte qu’ils semblent réciter .
Acteurs qui font acte de présence comme dans une espèce de réunion et par les questionnements incessants, allusifs et intrusifs qui forment l’essentiel de l’action de la séquence principale et qui installe cette atmosphère un peu nauséeuse et délétère.
Cette atmosphère crée ou recrée est censée reproduire les réunions qu’entretenaient les agents de la Stasi dans l’ex Allemagne de l’est, dans des immeubles similaires, dans des pièces similaires.
Avec des moyens minimaux, avec une image simple alternant vue d’extérieurs et d’ intérieurs, Room Conversation élabore une description critique de situations historique et reflète le climat de surveillance et d’inquiétude qui a eu cours pendant de longues années en Allemagne de l’est.
Cependant, difficile de réduire cet objet réflexif et captivant à sa simple question historique, peut-être faut-il y voir une mise en abyme des questions passées avec nos problématiques contemporaines qui interrogent la confrontation de la rhétorique visuelle de l’architecture réduites à des signes proliférant dans un espace avec les figures de la rhétorique verbale, jusqu’à l’inflation et à la saturation.
Vases communicants.

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