vendredi 30 mai 2008

BATALLA EN EL CIELO DE CARLOS REYGADAS, 70 mn , 35 MM COUL, 2005

Héritier de la tradition théâtrale, nombre de films consacrent la relation ancillaire et opposent maître et domestique.
Cette convention fait apparaître et émerger naturellement tous les antagonismes et les paroxysmes liés à une forme de conquête de pouvoir et participent d’une création d’une dramaturgie cohérente.
Il est curieux de constater le retournement opéré par Carlos Reygadas (dont c’est le deuxième film après Japon) qui focalise l’attention du spectateur sur le chauffeur d’une jeune femme pulpeuse, riche aussi belle que Venus et non sur celle-ci.
Nous pénétrons donc dans la vie de ce chauffeur
Au fond,dans cette histoire, son histoire, ce qui nous est proposé c’est d’avancer comme dans les coulisses dans une affaire strictement privée.
La séquence d’introduction commence donc par une « audacieuse » scène de fellation entre ce chauffeur au visage si singulier, chauffeur obèse et ventripotent et cette jeune femme qui lui procure ce plaisir.
Fondé aussi sur une trame policière qui vise à montrer un chauffeur finalement traqué pour avoir enlevé un bébé pour son étrange femme qui ne peut sans doute en mettre au monde, ce film sème ses confettis le long d’une étrange route qui ne mène nulle part si ce n’est à une forme de contemplation qui aboutira à un plan d’ensemble hors de la ville, lieu du malaise.
Contemplation sans cesse présente, quand des scènes de ville nous sont données à voir, avec cette voix off qui alimente l’action du film, scène de ville défilant devant un pare-brise, et aussi à la levée crépusculaire du drapeau mexicain, séquence qui n’est pas filmée d’une manière habituelle académique, multipliant les belles contre-plongées mais selon un angle singulier ; quand aussi ce chauffeur contemple longuement le corps de cette jeune femme après lui avoir fait l’amour.
Il est un autre aspect du film qu’il convient peut-être de souligner : il s’agit du dépouillement assumé, décidé de la mise en scène qui convoque et installe des plans fixes et frontaux souvent gommés de tout bruit naturel auquel on a rajouté des sons étranges, parfois presque indéfinissables.
Deux séquences celle du métro avec sa lumière blanchâtre et verte ainsi que celle la séquence de la résidence attestent de ce parti pris, cependant, dans la séquence du métro, des sons technos et des sonneries électroniques procurent à l’image des sens hétérogènes qui déréalisent quelque peu la supposée vérité documentaire du plan,de même que le silence présent sur les images de la résidence qui tient lieu de bordel de luxe efface toute forme de réalité au profit de l’émergence d’une abstraction.
Enfin, question de casting, dans ce film on pourrait parler de « visagéité » tant chaque visage des protagonistes a été sciemment choisi, convoquant peut-être cette dialectique classique de la belle et la bête mais peu importe, l’image semble être déformée ou imprimée par ces visages et leurs traits qui impriment au récit une singularité, un mystère qui rappellent à nous on ne sait quel souvenir d’une poterie aztèque.
La qualité de cette alliance entre les images et les sons, les parti-pris de mise en scène, les angles de vue primitifs et sans sophistication font de ce film, un film moderne,audacieux, même si le récit policier n’est guère haletant et ne nous passionne guère.
Libre au spectateur d’entrer ou pas dans ce conte étrange venu du Mexique.

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