Bande à part consacre une déception.
Bande à part au même titre qu’une Femme mariée, ou une femme est une femme, ou le plat « One plus One consacré » aux Rolling Stone ressemble à un raté dans la filmographie de Godard.
Pourtant celui-ci commence tambour battant, on peut même y déceler une formidable énergie.
Energie qu’il y à montrer la ville, tantôt en plongée, puis en plan rapproché à hauteur d’homme, ses flux d’automobiles, le bruit des moteurs associé un noir et blanc, qui documente plus qu’il ne stylise et efface, élimine certains détails et nous présente cette automobile Ford et ses protagonistes fonçant droit vers de nouvelles aventures.
Energie de cette action qui démarre pour finir par tourner en rond et un peu à plat.
Qu’aurait-il fallu de plus pour que cette énergie transite en nous de manière plus durable et plus saisissante ?
Le problème ne relève peut-être pas de la bande son, toujours aussi riche et inventive, surprenante, avec ces éclats, fragments disséminés et savamment posés : bruits de radios, voix récitant ou jouant, petite voix étrangère.
On reconnaît un film de Godard à sa bande son.
C’est une des marques de fabrique de Godard depuis A bout de Souffle.
Mais Bande à Part pêche par sa mise en scène foutraque et désinvolte.
Ce n’est pas que les acteurs : Brasseur et Samy Frey soient plus mauvais les uns que les autres, mais à partir des séquences de marivaudage amoureux du cours Louis, l’action stagne définitivement, et même si un comique de gestes, de situations, de scènes répétées, de regards rythme, agrémente l’argument d’un peu de vivant.
Devant cet ensemble sans cesse en mouvement mais pourtant si figé, dans son intrigue, dans son absence de dynamique dramaturgique, de direction et d’orientation ou d’axe.
Le spectateur reste un peu sur sa fin, et a sans cesse l’impression de ne pas y trouver ce qu’il cherche chez Godard : une conception d’ensemble suffisamment étayée par des blocs aussi solides que des galets, une poésie à l’ épreuve de l’érosion du temps.
Bien sûr, il y a des trouvailles formidables : la musique de Michel Legrand qui ne ressemble pas à du Michel Legrand, les faux raccords sur les regards de chacun rappelant la séquence du générique qui entremêle vertigineusement les trois regards, comme une sorte de prémisse qui annonce les expériences clignotantes de sa période de vidéo expérimentale à Grenoble, cette visite express du Louvre, la minute de silence dans une séquence, où cette scène ou Chantal Goya contretype, contrefait une image stéréotypée de la beauté et de la jeunesse, imprimée sur le coin gauche d’ un journal devant une glace de toilettes, cette bagarre elle aussi parodiant la chorégraphie d’ une bagarre, la mort d’Arthur qui ne meurt pas et tue le possesseur du magot, et cette fin tournée à trois francs six sous tournée sans doute à l’arrachée, à l’intérieur d’un cargo et son annonce tonitruante qui rappelle un générique des Pieds nickelés.
Mais l’ensemble tourne un peu à vide : Anna Karina, dansotte, minaude, et quelque chose cloche dans l’ensemble, peut-être aussi à cause d’un manque évident de moyens : une Ford, une villa, trois comédiens et la rue, ne suffisent peut-être pas ou simplement il manque ici tout ce qui fait un Godard grand cru : une alliance d’idées fortes, saisissantes qui s’imposent à nous telles des fulgurances.
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