mardi 15 janvier 2008

LETTERS HOME 1986, D'après la correspondance de Sylvia Plath ( VIDEO, SON PAL, 104’)

Lire et relire Sylvia Plath, notamment « La cloche de détresse», édité pour la première fois en 1963 en Angleterre sous le pseudonyme de Victoria Lucas, c’est effectuer de manière rapide, fugace et éphémère l’expérience de la folie. Folie de l’écriture sans repères et sans bornes. Pénétrer au cœur de la tourmente et arpenter les longs couloirs violemment lumineux des asiles psychiatriques.
Pourtant, lire ce livre c’est dépasser ce simple cliché, c’est comme disons passer les yeux dans un judas et contempler l’Amérique puritaine de Mac Arthur ; époque qui célébra les tapisseries claquantes aux roses flamboyants, les verts phosphorescents des pelouses tondues parfaitement à ras, les chastes baisers et les poitrines rebondies les vallons d’un Middle West nourricier.
Souvenons d’Esther Greenwood double exact de Sylvia Plath.
Souvenons-nous, de « La cloche de détresse» qui commence par l’annonce de l’exécution des Rosenberg, et par cette phrase terrible : « c’était un été étrange et étouffant. L’été où ils ont électrocuté les Rosenberg » et se déploie en une sorte de long et lent travelling avant sur le gâteau d’anniversaire, posé sur une table près d’une peau d’ours blanc, edifié comme une sorte d’apothéose grotesque sur la table d’une soirée votive et festive destinée à starifier les poétesses d’un nouvel âge d’or qui inaugure le nivellement entre la poésie pure et le slogan publicitaire.
Ce soir-là, Esther Greenwood portera un fourreau de shantung noir qui lui aura coûté 40 dollars.
Ce roman conçu comme un immense poème en prose s’apparente à une sorte de cri primal, de hurlement poussé à mi chemin entre l’euphorie et la dépression. Plaisir des premiers mois passés à New York puis brusque décrochage, décalage, avec la vie plus paisible, plus routinière de Boston et plus déprimante de la province. Surtout un de ces étés moites qui n’en finit pas.
Aux ascensions légères comme des avions, aux célébrations, aux solennités incessantes et emplies du tumulte des voix, des chuchotis des soirées languides, ont succédé rapidement la descentes aux enfers de l’oubli et de la vie ronronnante.
La fin de « La cloche de détresse» ressemble à une sorte de fendillement de la réalité au profit d’un imaginaire dont les images redoublent sans cesse, envahissent toutes les parcelles de la réalité, déformant la perception, la submergeant.
Fendillement redoublé par l’ironie sous jacente de la narratrice qui raconte avec une froideur clinique, analytique, incisive sa vie monotone, ses épreuves, ses douleurs.
La lecture de ce livre demeure toujours éprouvante.
Si je parle de Sylvia Plath, c’est que je suis venu à lire Sylvia Plath par la vision de ce film d’Akerman, film regardé, entrevu il y a très longtemps sur un petit écran de Beaubourg, film qui captait avec la simplicité de ses décors et de ses costumes, happait la féminité, et les dialogues incessants, questions et réponses, des voix et des regards posés entre une fille et sa mère.
Je me souviens surtout des timbres de Delphine Seyrig. Voix si particulières qui les unes après les autres semblaient se répondre dans des espèces de lamentos et de plaintes.
Force est de constater qu’un réalisateur semble réaliser toujours le même film. Témoin ces ressemblances, ces coïncidences troublantes entre News from Home, qui enregistrait patiemment les échanges incessants de lettres entre Chantal Akerman demeurant à New York et sa mère restée à Bruxelles dans sa petite boutique, et racontant avec minutie les petits faits et gestes de son quotidien.
Un dispositif très simple intégrait la lecture des lettres respectives, lettres lues à voix hautes en off posées sur des images, faisant mentir leur caractère documentaire.
Ces films simples et beaux nous laissaient sérieux et pensifs, songeur et raisonnant.
Ces deux récits semblent tracer le même sillon : celui d’un dialogue passé, posé entre deux voix aussi distantes que présentes, celui d’un dialogue ininterrompu qui masque sans doute une part de non-dit, et de silence, de frustration. Respect des conventions posées entre mère et sa fille dès naissance, voire précédant sa naissance ou sa conception.
Je voudrais revoir ce film si simple et si beau qui m’a tant ému.

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