vendredi 8 mai 2015

UNE TRAVERSEE

Ce jour là sur Aix, un violent orage avait brusquement assombri le ciel. Tout était gris et la peau des passants, les contours de leurs silhouettes formaient des éclats métalliques qui se dispersaient dans l'air. Tandis que les jours précédents, j'avais du subir la pire traversée de la Méditerranée depuis plus de vingt ans. Dans le ferry qui m'avait mené de Livourne à la Corse, les gens assommés par l'odeur du gazole semblaient tous avoir rendu l'ame et ce n'est qu'à cause de mon pied marin que moi le vieux , 80 ans sonnés était parvenu à surmonter mon malaise. J'étais ici désormais, de l'autre coté de la Rive. J'étais solidement assis sur fauteuil de moleskine encore brûlant et chaud, assis dans le trolleybus en direction d'Aix et j'étais aussi très secoué. Une sueur acre coulait sous mes aisselles... Je n'avais jamais été aussi las, mais mon intuition m'aiguillait vers des rues que j'avais bien connues. Sur le vitre du trolley, les passants disposés à contre-jour filaient devant moi, ombres noires, invisibles visages, masques. j'entendait le glissement régulier du caoutchouc dur sur le métal et le bruit du caténaire qui embrassait un fil électrique. Dans mes bus, je pouvais voir de dos, deux ou trois permissionnaires immobiles et raides comme des pantins, et un groupe d'enfants qui ne cessaient de sautiller sur leurs fauteuils. Tout ce petit monde assis dans cette boite avaient l'air d'insecte dans un tube de verre. Il faisait chaud tout au long du parcours et me revenaient en tête des images d'un bleu vif et tranchant comme une lame. Après Marseille, le paysage était très monotone : forets, étangs verts; la plupart des villages traversés ressemblaient à des poteries, concassées et très ramassées sur elles-mêmes. Il ne me fallut guère plus de trois quart d'heures pour arriver vers une zone avec un parking en construction. Le bus me déposa devant les fumerolles d'un goudron tout droit sorti de la benne d'un camion. Deux ouvriers aux visages noirs et fuligineux qui réparaient la route me regardaient d'un air perplexe. Il y a dix ans, peut-être vingt ans, j'étais venu et j'avais traversé cette ville dont la configuration n'avait encore guère changé... J'avais longtemps marché puis un taxi m'avait déposé devant le chantier en construction d'une immense cité qui ressemblait à un labyrinthe. je m'étais engouffré dans une longue suite de murs perpendiculaires...

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