lundi 28 juin 2010

Relisez le dossier, c'est marqué, ils ont lu mes positions.

( Version 6 )

Qui es tu Julien Darbon ?

Je suis opérateur de marché
Au fond d’un Backoffice
Je suis trader
Je travaille pour True Colors
Une banque
Une très grande banque qui gèrait autrefois des petits placement à la papa
Une de ces multinationales bancaires qui désormais spéculent
Et gravitent en de multiples points
Du monde
J’achète et je vends
Tel est mon métier
J’achète et je vends en trois clics
Trente secondes suffisent
Je vends et j’achète
Oui c’est ça mon métier
Je suis un homme qui est payé pour vendre ou acheter et vendre et le seul fait que parfois je vends ou je perds ne me rend aucunement responsable de ces pertes
Car pour tout le monde planté devant son écran
le réel s’est vite transformé en une planche savonneuse et glissante
Le réel est une goutte d’eau lissant un beau miroir
Le réel m’échappe à chaque instant
Le réel glisse et fuit entre mes doigts
Les images s’en vont et se juxtaposent
comme l'eau sale d'une vieille vaisselle
Mon réel c’est :
Risques de réserves
Arbitrage
Valeur intrinsèque
Sous-jacents
Turbo warrant
Spil
Spiel
Agrégation des automates
Vous y comprenez quelque chose vous ?
Ou vas-tu Julien Darbon ?
Je ne sais pas
Je ne sais pas ou je vais
Je ne suis qu’un pion
Un planton
Factotum
Un rouage de plus dans la machine
Si je savais ah si je savais
Je n’ai qu’une certitude
Mes supérieurs m'ont demandé de prendre des positions spéculatives
Des positions de 50 milliards, on ne peut pas, c'est psychiquement inhumain
et pourtant
Je suis Julien Darbon
J’achète et je vends
Je vends et j’achète
C’est ça mon métier
Ou vas-tu Julien Darbon ?
Je ne sais pas ou je vais parce que mon métier c’est d’acheter ou de vendre
De dire non ou de dire oui
En cliquant sur ma petite souris
Trois fois
Ou vas-tu Julien Darbon ?
Ca si je le savais
Pourtant, ça toi tu le savais
C’était ça ton secret Julien Darbon
A la fin de ta journée
Habitée de murmures et d’ombres
Soliloques, silences
Chuchotis de tes comparses
Qui ressemblent à des machines jusque dans la mécanicité intense
De leurs blagues éculées et de leurs rires pendant les pauses
Tu es pourtant un homme comme les autres
Julien Darbon
Pétri de paradoxes et de contradictions
Epris de la vérité de la matière
Sidéré par les images
Sillages de murmures et d’ombres
Soliloques
Chuchotis de tes comparses
Aux gestes attitudes régulés compassés
Vêtu de costumes gris, costume noirs
Chemise rose rayée
Col blanc
Chaussures noires à lacet lilas
Mais un jour Bam ! Tu t’es décidé
A prendre des engagements fictifs
Et alors tout s’est volatilisé
5 milliards
Volatilisés, s’irisant
Non, mais si c’est pas possible tu te rends compte !
Figé sur ta chaise entre quatre murs dans le silence d’une tour de verre
Transparente, translucide imputrescible
Entre quatre réservoirs d’eau et, bureaux qui jalonnaient ou limitaient ton quotidien
Et toi qui si souvent quand les écrans et chefs t’ observaient
La honte te retenait
De prendre ton portable et de révéler à la presse les limites floues de ce monde
Leur monde
Car désormais tes jeux sont des enjeux ou « positions » de 50 milliards
50 milliards c’est un thriller
Un thriller
Qui ne fait plus peur à personne
Car tout semble réversible et non irréversible
Le réel est à la portée du virtuel
Dans ce monde, dans ton monde aux limites floues et confuses
Qui ressemble désormais à un Casino
Ou tout se jette et tout se vend
Les limites ont été dépassées
Encore eut-il fallu qu’elles soient d’abord fixées
Moi toi le savais-tu toi-même, en te regardant ?
En te rasant le matin
Qui tu étais Julien Darbon ?
Qui t’avait fabriqué
Qui t’avait formé, formaté, déformé ?
Le savais-tu toi-même Julien Darbon ?
Pour l’instant, éteins, anéanti, exsangue tu lis les bannières publicitaires
Qui nagent à la surface des écrans ;poissons aux ventres retournés
Tu regardes le nom des destinations idylliques où tu n’iras jamais
Parce que le temps et l’envie te manquent
Dans le même instant par un rai de lumière les deux immenses fenêtres de la salle de marché et leurs stores
Filtrent du dehors l’image floue et confuse
De parcs et de jardins, d’allées, de malls où se promènent des touristes hagards
Et titubants
Pour l’instant tu rêves ta vie et tu te dis au fond de toi-même
Après tout
Si je claquais rien que
5 milliards
5 milliards flambés, dissipés puis allumés en lettres de feu au fronton d'une multinationale bancaire
Si je me faisais peintre et que je peignais le ciel
Au fond, les amis, je sais qui je suis
Je suis Julien Darbon
C’est une donnée inaliénable
J’achète et je vends
Voilà huit ans que je travaille pour une banque d’investissement
de financement
True Colors
Depuis des semaines, je suis las de ce monde ancien
Au fond de ma tour qui ressemble à une bouteille d’eau
Fatigué de tout comme un nageur abandonné, harassé seul près du rivage.
Ordres passés, dossiers remplis de tableaux de chiffre
Rumeur confuse des titres, titrisations.
La route qui me mène désormais
Le chemin est irréel et angoissant
Toutes ces activités programmées et hautement prévisibles
Je sais ce que je vais faire
Je vais créer mon programme
Du sacré, il faut du sacré !
Avec juste un milliard d'euros, vous, vous en auriez surement fait des choses,
Un trader c'est quoi ?
C’est un homme qui est payé pour vendre ou acheter et vendre et le seul fait que j'ai vendu et perdu ne me rend aucunement responsable de mes pertes
Croyez-moi,
Moi, désormais je suis artiste parce que tout le monde est artiste ou se dit artiste aujourd’hui
Voilà, je suis artiste et d’un clic
Je vais vous vous faire flamber
5 milliards de flambés
Ce n'est pas Robin des bois, c'est le trader qui a perdu le plus d'argent au monde
Il vivra et mourra avec ça
Avec 5 milliards évanouis et allumés en lettres de feu au fronton d'une multinationale bancaire
Au fait les amis, c’est génial je crois que j'ai réussi.
Je crois même que j'ai fait mieux que quiconque
Au fait
Toute la hiérarchie savait que vous passiez des opérations fictives ?
Finalement vous étiez aussi un être fictif ?
Oui.
Non
Oui.
On vous a demandé de partir ?
Non, juste de claquer la porte et de régler le problème.

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