dimanche 27 septembre 2009

OR LES MURS, documentaire de Julien Sallé.

Clairvaux, ce seul nom résonne dans nos têtes, tel le rappel d’une relégation perpétuelle.
Car Clairvaux appelle à nous toutes les images et sons caractéristiques d’une maison d’arrêt que l’on nomme dans la terminologie carcérale : "centrale"
Centrale de Clairvaux, comme autrefois on a connu Fontevraud.
Avec une certaine ingéniosité dans son écriture filmique, Julien Sallé s’est attaqué à ce sujet difficile et très connoté, habité par les stéréotypes et les légendes.
Julien Sallé est très habile.
Tout en s’inscrivant dans les lois du genre du documentaire, il parvient cependant à en contourner ses règles et contribuer à dilater son espace narratif au point de le transformer en une fiction par quelques subterfuges : d’abord le choix de la durée de son film qui approche celle d’un long-métrage ,mais aussi l’apparition de la figure d’ un musicien compositeur - très à l’écoute de ses semblables, qui donne du sens à son histoire, celui-ci tout au long du film, va composer notes à notes, et rédiger pas à pas une sorte de chorus fondé sur les témoignages des détenus qu’il a patiemment enregistrés).
Mais ce n’est pas tout.
OR les murs » est un film poétique habité par la réalité puisqu’il se définit comme un documentaire.
Cependant, on y respire souvent l’air d’une belle fiction.
Paradoxes des vases communicants.
Echanges qui ont alimenté toute l’histoire du cinéma moderne.
Car si ce film s’amorce avec les lois du genre, on y retrouve souvent des éléments, et détails aux caractères quasiment fictionnels : détails de l’architecture carcérale, pan de pièce vides brillamment saisies entre ombre et lumière, clair-obscur, musique entrelaçant chants et voix féminines aux tessitures aériennes ; panoramiques qui décrivent de très hauts murs gris qui se déploient à l’infini, et qui finissent par nous renvoyer l’image d’une irréalité vertigineuse, irréalité à la fois fonctionnelle et fictionnelle.
En dehors de cette réalité, il en est une autre celle âpre, dure et sans appel : celle qui convoque de manière frontale et distante les témoignages de ces détenus anonymés, toujours vu de dos, le crane ras et la nuque raide, détenus aux voix monocordes qui racontent le vide et l’indicible des semaines qui passent et qui jamais ne semblent vouloir d’effacer, qui racontent l’oubli et la perte.
Que retiendrons-nous d' « OR les murs »? Documentaire aux allures de fiction si ce n’est ces images qui captent une centrale qui ressemble tellement de par ses contours et l’allongement de sa façade à l’incarnation d’une utopie du XIX.
Utopie figée dans la majesté de minuscules lumières orange qui bornent son périmètre.
Que retiendrons-nous encore « OR les murs »? ? Si ce n’est ces vues extérieures refusées et donc soustraites aux regards de ces détenus qui nous sont pourtant montrés sous tous les angles, et qui raconte l’impossible rêve de détenus qui en viennent selon leurs dires à vouloir "toucher tous les jours la chair d’une rose, dont la seule présence symbolise un pan de réalité.
« Or les murs » est donc ce film qui s’il parvient à nous éloigner par une forme de lyrisme de la froide distance du filmeur nous glace cependant.
Dans la salle de projection au milieu des instances administratives qui avaient contribué au financement, regardant chaque nom des organisations, regardant chaque nom de ces dirigeants d'établissement pénitentiaires, à la fin du générique défilant lentement en petites lettres blanches sur fond noir chaque spectateur assistant à la séance, ressentait une forme de tristesse qu’aucune voix fut-elle chantante ne parvenait à gommer.
Pourtant, si ce film est peu dur à regarder, la simplicité de son dispositif, la beauté de ses images vous invite à une belle réflexion sur un monde méconnu.

Aucun commentaire: